NATIONALISME, musique
Défini au sens large comme l'attachement fort ou la préférence pour une nation particulière, le nationalisme fait son apparition en musique au début du xixe siècle. Son expression la plus évidente est l'utilisation voulue et systématique du langage mélodique et rythmique des chants et danses traditionnels dans l'espoir de revivifier la musique dite savante. Mais il se manifeste également dans le choix de certains sujets historiques qui font généralement écho aux problèmes politiques et sociaux que de nombreuses nations connaissent. Le nationalisme en musique gagne la quasi-totalité de l'Europe.
L'apport des musiques traditionnelles
Porté par le romantisme, l'intérêt pour les musiques folkloriques et traditionnelles se développe au xixe siècle. Il coïncide avec l'éveil des nationalismes, qui s'étend essentiellement en Europe centrale et orientale.
Particulièrement vif en Europe centrale, ce phénomène fut l'occasion pour les peuples de commencer à affirmer leur personnalité en entrant en lutte pour se libérer des diverses formes d'oppression qui s'exerçaient sur eux. Ce patriotisme exacerbé s'appuya sur la découverte du fonds culturel populaire propre à chacune de ces nations. Un folklore musical fut découvert et utilisé comme moyen de s'émanciper d'une tradition imposée de l'extérieur. Ces peuples cherchaient, chacun à sa manière, à se dégager de l'emprise culturelle allemande et autrichienne. Des compositeurs comme Leoš Janáček (1854-1928) ou Béla Bartók (1881-1945) entreprirent de très longues recherches sur les musiques traditionnelles.
Poursuivant la quête de Bedřich Smetana et d'Antonín Dvořák, qui désiraient affirmer l'existence d'une musique spécifiquement tchèque, Janáček eut une carrière beaucoup plus militante que ses prédécesseurs en appartenant dès sa jeunesse à des mouvements nationalistes. Sur le plan musical, il collecta de nombreux thèmes populaires en Moravie ; il en étudia les modes et les rythmes, découvrit les instruments locaux au timbre inaccoutumé. Sans plaquer ces thèmes populaires dans ses œuvres, Janáček composa dix opéras, parmi lesquels Jenůfa (1904) et Kát'a Kabanová (1921), ainsi que des pièces symphoniques comme la Sinfonietta (1926), dans lesquels l'influence du folklore tchèque est particulièrement forte.
Allant plus loin que Janáček, le Hongrois Bartók, aidé de son compatriote et ami le compositeur Zoltán Kodály (1882-1967), enregistra des thèmes populaires dans toute l'Europe centrale. Considéré comme le père fondateur de l'ethnomusicologie, Bartók étudia toutes les richesses du folklore slave au-delà de la Hongrie, ce qui l'amena à fonder un langage entièrement original. L'apprentissage de cette musique paysanne lui a révélé la possibilité d'une émancipation totale de l'hégémonie du système majeur-mineur. La redécouverte des modes anciens (modes d'Église, gammes primitives, notamment pentatonique) qui sont présents dans ces mélodies est un moyen de renouvellement, d'enrichissement et de diversification du matériau thématique et rythmique. Dans les faits, cette attitude s'est traduite soit par des harmonisations ou de simples transcriptions, soit par des citations intégrales ou partielles que le compositeur intègre à son propre discours et qui aboutissent à une sorte d'hybridation de la musique savante. Mais Bartók n'en fera guère d'usage direct dans ses compositions savantes. Son travail essentiel consiste à retenir la structure fondamentale de la musique populaire qu'il peut appréhender en individualisant ses diverses composantes. Il obtient ainsi des modèles abstraits. C'est cette distanciation qui lui permet de rompre avec le post-romantisme et d'en finir avec la dualité majeur-mineur. En saisissant l'essence même de cette musique populaire, il la transcende et crée un langage complètement nouveau.[...]
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Écrit par
- Antoine GARRIGUES
: ancien critique à
Sud-Ouest et àContact Variété , professeur d'improvisation et d'histoire de la musique
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