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NATURALISME, notion de

Avant de désigner un mouvement littéraire, le terme naturalisme recouvre deux acceptions, l'une relevant de la philosophie des sciences, l'autre des beaux-arts. Au xviiie siècle, le mot désigne une démarche scientifique matérialiste. Il est repris en peinture au début du xixe pour qualifier un style de reproduction exacte et fidèle du réel. En 1858, Hippolyte Taine – qui deviendra l'une des références scientifiques du mouvement naturaliste – l'utilise pour caractériser le travail de Balzac. Émile Zola (1840-1902) reprend le mot à son compte à la fin des années 1860 et le distingue du réalisme pour définir une entreprise esthétique s'appuyant sur des méthodes strictement scientifiques. La naissance du naturalisme est indissociable de la propagation des théories positivistes d'Auguste Comte, des travaux de Taine sur la transmission héréditaire de caractères acquis, ainsi que des théories évolutionnistes de Darwin. Sur ces fondements idéologiques, le naturalisme va s'efforcer de mettre la science au service d'un projet littéraire.

Un « révélateur » social

En hommage à la Comédie humaine de Balzac, Zola fait de son œuvre un ensemble cohérent, un grand corps que l'auteur dissèque et analyse à la manière d'un médecin (Préface générale des Rougon-Macquart, La Fortune des Rougon, 1871). Son projet, construit autour d'un arbre généalogique à deux branches, expose une série de possibles romanesques et narratifs par association entre milieux et tempéraments. Fondé sur les théories de Claude Bernard et de Prosper Lucas, le projet les Rougon-Macquart, « histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire » cherche à décrypter et explorer le mécanisme intrinsèque du corps social. Pour Zola, « le romancier est fait d'un observateur et d'un expérimentateur » (Le Roman expérimental,1880). L'écrivain naturaliste procède par expériences successives sur ses personnages afin de dégager et d'analyser des lois générales. Dans cette entreprise, la description joue un rôle prépondérant : elle doit permettre la réorganisation verbale du réel selon des nomenclatures scientifiquement établies. L'enquête de l'écrivain porte sur les différentes catégories sociales, qu'il distingue en quatre groupes principaux : la bourgeoisie et le monde de l'argent ; la masse ouvrière ; le monde de la terre et des paysans ; enfin l'univers parallèle que constituent les artistes et les savants. Les principaux thèmes des Rougon-Macquart relèvent à la fois de phénomènes sociaux et politiques (Germinal,1885 ; L'Argent,1891 ; La Débâcle, 1892) et de questions liées au corps et à la sexualité, afin de montrer comment le désir régit la machine sociale (La Curée,1871 ; Nana,1880).

Dans la conception de l'œuvre, la masse de documents préparatoires utilisée par le naturaliste est plus importante que le roman lui-même : l'accumulation de preuves et de sources réelles prime sur la fiction. Le goût du vrai en général doit précéder la recherche du beau style, même si la personnalité de l'auteur ne peut s'effacer complètement derrière l'enquête. Le but du roman expérimental est de montrer l'influence d'un milieu sur un tempérament et la prééminence de l'organique chez l'individu. L'évolution des personnages zoliens dépend de leur hérédité et du groupe social dans lequel ils évoluent (L'Assommoir,1877 ; La Bête humaine, 1890). En fonction des combinaisons sociales, telle ou telle facette de leur tempérament va s'exprimer. Dépourvus de libre arbitre, entraînés par leurs pulsions héréditaires, ils ne peuvent lutter contre leur sort (Préface de Thérèse Raquin, 1868). Néanmoins, Zola refuse de confondre déterminisme et fatalité ; dans la mesure où[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université (lettres modernes), doctorante en études théâtrales à l'université de Paris-X

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