NATURE / CULTURE (notions de base)
La culture, seconde nature ?
De simple instrument, l’artifice finit par devenir essentiel à la culture, qui n’est peut-être qu’un masque qui aurait fini par oublier son origine, comme le suggère Gabriel Tarde (1843-1904), qu’il s’agisse de l’imitation d’autrui ou de la répétition, c’est-à-dire de l’imitation de soi-même, analyses conduites dans son ouvrage Les Lois de l'imitation(1890), en particulier dans lechapitre III« Qu’est-ce qu’une société ? ». Par les mécanismes de l’imitation et de la répétition, l’artifice devient une seconde nature, avec toutes les apparences de la spontanéité.
C’est le temps de la « morale vivante » d’Éric Weil (1904-1977), qui proposait cette expression pour traduire le mot allemand de Hegel, Sittlichkeit. C’est encore, selon lui, le moment du « cela va sans dire », celui où un consensus parfait règne dans le groupe. Quand la culture fonctionne suivant ce mode, elle est au sommet de sa courbe historique. L’ensemble des individus partage alors comme une évidence les comportements à adopter en société. Ce temps est celui de Socrate (469 env.-399 av. J.-C.), qui a foi dans le fonctionnement de la société athénienne, opposé au temps de Platon, qui remet sans cesse en question les savoirs pratiques et les certitudes du cordonnier, de l’artiste ou du guerrier.
Plusieurs moments se succèdent dans l’évolution des cultures, et le lien qui unit culture et artifice prend de ce fait diverses formes. Tout d’abord, la précarité de la culture naissante la rend dépendante de l’artifice, condition du refoulement réussi de la nature. Puis la culture vivante s’affirme et n’est plus remise en cause – l’artifice est devenu une « seconde nature ». Elle diffuse la sensation de sa pérennité et occulte le fait qu’elle a eu un début et qu’elle connaîtra nécessairement une fin ; elle se perd alors en de multiples paradoxes.
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Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
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