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NATURE / CULTURE (notions de base)

L’universel et le particulier

Mais constater que tout homme avance masqué peut conduire à deux conclusions de prime abord fort différentes. Soit on insiste sur le fait universel du masque, sur la capacité que possède tout homme, quel que soit son groupe d’appartenance, de recouvrir le socle naturel que lui a accordé la nature d’un vêtement culturel qui lui « colle à la peau ». En ce cas, on met en évidence l’universalité de la culture comme force de rupture d’avec la nature. Soit on met l’accent sur la diversité des masques et on insiste sur les différences plus ou moins insurmontables qui séparent, voire dressent les uns contre les autres, les humains en fonction de leur groupe d’appartenance.

Deux écoles philosophiques s’affrontent à ce sujet, l’une se réclamant de l’humanisme et proclamant l’universalité de la culture, l’autre s’inspirant de l’ethnologie et mettant en exergue les particularités de chaque groupe ethnique. Mais comment peut-on concevoir des différences sans une identité sur le fond de laquelle elles prennent forme ? N’y a-t-il pas un insoutenable paradoxe à affirmer uniquement ce qui différencie les hommes sans prendre en compte ce qui leur donne une identité commune ? Jean-François Mattéi (1941-2014) a consacré à ce débat plusieurs de ses ouvrages. C’est peut-être dans Le Regard vide (2007) qu’il a trouvé la meilleure formulation de sa pensée à ce propos : « En bonne logique, celui qui pose comme absolue la thèse de la relativité des points de vue interculturels, intraculturels ou pluriculturels, doit admettre la thèse contraire à son point de vue, c’est-à-dire l’universalité de la thèse relativiste, ce qui revient à dire que tout est relatif, sauf le relativisme. »

Derrière le masque se trouve donc toujours un autre masque. Au terme de cette étude, il nous faut rejoindre l’affirmation du philosophe Emmanuel Mounier (1905-1950), fondateur du « personnalisme » : « La nature de l’homme, c’est l’artifice. » Ainsi, notre nature consisterait précisément à ne pas posséder de nature et à devoir nous « inventer » constamment.

— Philippe GRANAROLO

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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