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NATURE WRITING, littérature

Un mythe de l’origine

Si les écrivains de la nature sont particulièrement visibles et notables aux États-Unis, c’est que leur travail s’inscrit dans une riche tradition et dans la perspective longue des aléas d’une pensée de la nature sauvage(wilderness), dont l’historien Roderick F. Nash a montré, dans son excellente synthèse Wilderness and the American Mind(1967), qu’elle fut centrale pour la construction d’une identité nationale : « La wilderness fut le principal ingrédient de la culture américaine. La wildernessfournit aux Américains les matières premières physiques de leur civilisation. L’idée de wilderness leur permit de donner à cette civilisation son identité et son sens. »

<em>Oiseau Anhinga-Anhinga</em>, J. J. Audubon - crédits : AKG-Images

Oiseau Anhinga-Anhinga, J. J. Audubon

Perçue par les Pères pèlerins (Pilgrim Fathers), premiers puritains venus d’Europe en 1620, comme un espace infernal – « étendue sauvage immense et hideuse, peuplée de bêtes et d’hommes sauvages » (William Bradford), où Satan s’ingéniait à éprouver la foi des pèlerins –, la wildernessfut d’abord un territoire à conquérir, à défricher et à cultiver, donc à détruire. Les Lettres d’un cultivateur américain (1784) de Hector Saint-John de Crèvecœur, jalon incontournable de la construction d’une identité nationale à l’aube de l’indépendance, opposent aussi la forêt sauvage, lieu de régression irrationnelle à l’anarchie primitive, à la ville et aux champs plaisamment ordonnés, témoignant des bienfaits de la civilisation. Dans la première moitié du xixe siècle pourtant, le besoin de s’affirmer contre une Europe perçue comme un vieux continent épuisé par l’urbanisation et l’industrialisation, idée confortée par l’essor de la pensée romantique, va pousser les intellectuels américains à chercher dans la wilderness la source d’une jouvence et d’une vertu physique, morale, sociale, politique propre à l’Amérique. Un sentiment qui nourrira les notions d’exception et de « destinée manifeste » américaines.

<em>Le Cours de l’Empire. Désolation</em>, T. Cole - crédits : The New York Historical Society/ Getty Images

Le Cours de l’Empire. Désolation, T. Cole

La meilleure expression de ce revirement nationaliste se trouve peut-être dans la peinture, avec l’avènement de la Hudson River School dont Thomas Cole, le plus insigne représentant, écrivait : « Le paysage américain […] présente des traits glorieux inconnus en Europe. La caractéristique la plus spécifique et la plus impressionnante du paysage américain est sa sauvagerie. » Une idée illustrée par la fameuse série de cinq toiles Le Cours de l’Empire, peinte en 1836. Soucieux de s’affranchir de la tutelle intellectuelle de l’Europe, les Américains vont valoriser l’immensité des territoires sauvages comme espace « vierge » permettant de construire une histoire neuve et une nation démocratique, libre et vigoureuse, loin des miasmes du Vieux Continent.

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<em>Oiseau Anhinga-Anhinga</em>, J. J. Audubon - crédits : AKG-Images

Oiseau Anhinga-Anhinga, J. J. Audubon

<em>Le Cours de l’Empire. Désolation</em>, T. Cole - crédits : The New York Historical Society/ Getty Images

Le Cours de l’Empire. Désolation, T. Cole

<em>A Storm in the Rocky Mountains. Mt. Rosalie</em> (<em>Orage dans les montagnes Rocheuses</em>), A. Bierstadt - crédits : Geoffrey Clements/ Corbis Historical/ VCG/ Getty Images

A Storm in the Rocky Mountains. Mt. Rosalie (Orage dans les montagnes Rocheuses), A. Bierstadt

Autres références

  • LA MORT DE LA NATURE (C. Merchant) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 298 mots
    • 1 média

    Carolyn Merchant (née en 1936) est professeure d’histoire environnementale, de philosophie et d’éthique à l’université de Californie à Berkeley. Écologiste, profondément marquée par la lecture de Silent Spring (1962) de Rachel Carson, elle dit s’être forgé un système de pensée au travers...