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NATURE WRITING, littérature

Une célébration de la nature

<em>A Storm in the Rocky Mountains. Mt. Rosalie</em> (<em>Orage dans les montagnes Rocheuses</em>), A. Bierstadt - crédits : Geoffrey Clements/ Corbis Historical/ VCG/ Getty Images

A Storm in the Rocky Mountains. Mt. Rosalie (Orage dans les montagnes Rocheuses), A. Bierstadt

La représentation de l’Amérique comme tabula rasa où tout redevient possible, y compris l’expérience directe du divin et de la vérité, dans le cadre d’une nature non domestiquée, se trouve au cœur de la pensée des philosophes et écrivains transcendantalistes, Ralph Waldo Emerson et son disciple, Henry David Thoreau, figures tutélaires des écrivains de la nature américains contemporains. Dans son essai « The American Scholar » (1837), vibrante déclaration d’indépendance intellectuelle nationale, Emerson exhorte ses lecteurs à s’affranchir des savoirs étrangers à l’Amérique, et dans son essai Nature (1836) il les invite à porter sur le monde un regard neuf, pour concevoir une définition originale du bien et de la vérité. Loin des constructions et conventions culturelles, loin des normes sociales, c’est la nature sauvage (les bois) qui permet de retrouver l’innocence. En 1845, Henry David Thoreau, jeune disciple d’Emerson, se retire dans une cabane dans les bois, au bord de l’étang de Walden, dans le Massachusetts, pour y mettre en pratique les principes du maître. De cette retraite d’un peu plus d’un an naîtra le premier et le plus influent des livres américains de nature writing : Walden, ou la Vie dans les bois. D’autres livres de Thoreau, en marge de son fameux essai sur la désobéissance civile, nourrissent son aura écologiste. C’est le cas du petit essai De la marche (1862),où Thoreau le botaniste célèbre sur tous les tons les vertus de la nature sauvage, et place l’Amérique loin devant l’Europe pour la taille et la variété de ses espèces végétales.

On trouve chez Thoreau comme une charte fondatrice de l’écriture de la nature, reprise et amplifiée chez les écrivains suivants et les penseurs contemporains de l’éthique environnementale. D’abord, l’immersion dans le milieu naturel est gage d’innocence et donc de vérité, source d’enthousiasme esthétique et de santé physique, psychique, morale et sociale. Cette idée trouvera un écho lors des grands débats autour de la création des premiers parcs nationaux. Mais Thoreau va plus loin qu’Emerson en vantant les mérites d’un engagement physique par le biais duquel l’homme se laisse enseigner mais aussi façonner par la nature. Si Thoreau se retire à Walden pour « simplifier » une vie trop envahie par le tapage de la modernité, il y laisse aussi l’environnement le guider vers une conscience élargie du vivant. Le séjour dans les bois le place à l’unisson du monde végétal : « Ne suis-je pas, moi aussi, fait en partie de feuilles et d’humus ? » Il révèle son « devenir-animal », pour citer l’expression des philosophes Deleuze et Guattari, et le titre d’un ouvrage de David Abram : « Il m’arriva une ou deux fois, lorsque je vivais au bord de l’étang, de me trouver en train de courir les bois, comme un chien féroce tenaillé par la faim, en proie à un étrange abandon, cherchant quelque gibier à dévorer », écrit-il. Même s’il demeure un moraliste d’abord soucieux d’identifier et d’appliquer les « lois supérieures » d’une existence juste, Thoreau affiche aussi une affinité sensuelle et même parfois le sentiment d’une identité partagée avec le monde organique, se posant ainsi en précurseur des adeptes du biocentrisme. Enfin, et c’est là un souci que partagent nombre d’écrivains contemporains de la nature – Annie Dillard, Gary Snyder, Rick Bass, par exemple –, il cherche à capter dans la matière de son écriture l’écho d’autres langues, non humaines, qui pourraient l’« ensauvager » : « Les Espagnols ont un terme qui désigne bien cette forme de connaissance obscure et sauvage – gramáticaparda, la grammaire fauve – sorte d’intelligence animale dérivée de ce léopard auquel je me référais ci-dessus. »

Dans son ouvrage Un été dans la Sierra (1911), qui[...]

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<em>Oiseau Anhinga-Anhinga</em>, J. J. Audubon - crédits : AKG-Images

Oiseau Anhinga-Anhinga, J. J. Audubon

<em>Le Cours de l’Empire. Désolation</em>, T. Cole - crédits : The New York Historical Society/ Getty Images

Le Cours de l’Empire. Désolation, T. Cole

<em>A Storm in the Rocky Mountains. Mt. Rosalie</em> (<em>Orage dans les montagnes Rocheuses</em>), A. Bierstadt - crédits : Geoffrey Clements/ Corbis Historical/ VCG/ Getty Images

A Storm in the Rocky Mountains. Mt. Rosalie (Orage dans les montagnes Rocheuses), A. Bierstadt

Autres références

  • LA MORT DE LA NATURE (C. Merchant) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 298 mots
    • 1 média

    Carolyn Merchant (née en 1936) est professeure d’histoire environnementale, de philosophie et d’éthique à l’université de Californie à Berkeley. Écologiste, profondément marquée par la lecture de Silent Spring (1962) de Rachel Carson, elle dit s’être forgé un système de pensée au travers...