NAXOS
Située au centre de l'archipel des Cyclades, qui assure en mer Égée un cabotage aisé entre l'Europe et l'Asie, Naxos en est la plus grande île (430 km2) et l'une des plus fertiles : la côte ouest, ouverte sur le détroit de 4 km qui la sépare de Paros, offre une plaine que surplombe un étagement de collines cultivées en terrasses. C'est là que l'habitat est concentré depuis l'Antiquité : au-delà de l'arête montagneuse nord-sud qui culmine au mont Zas (1 004 m), plus haut sommet des Cyclades, la côte est et les pointes nord et sud de l'île sont abruptes et presque désertes. Aux cultures méditerranéennes traditionnelles (vigne et olivier) viennent s'ajouter ici celle des céréales, ainsi que l'élevage des bovins. Naxos doit à cette relative richesse agricole de n'avoir pas connu de dépopulation massive depuis la Seconde Guerre mondiale : à l'économie de subsistance traditionnelle a succédé depuis les années 1980 une économie touristique florissante qui a stabilisé la population autour de 16 000 habitants. Ces données naturelles favorables expliquent l'importance de Naxos dans la civilisation grecque depuis la protohistoire, comme les fouilles entreprises depuis les années 1960 ne cessent de le révéler.
Naxos aux IIIe et IIe millénaires avant J.-C.
Selon la tradition mythologique grecque, l'île a d'abord été habitée par des Thraces, peuplade barbare établie dans les Balkans (Bulgarie actuelle), puis par des Cariens venus d'Asie Mineure, dont le chef donna son nom à l'île, enfin par des Grecs Ioniens, au début du Ier millénaire avant J.-C. Les fouilles et – plus encore – les trouvailles fortuites faites dans le sud de l'île et dans les îlots qui lui font face au sud-est (Kéros, Couphonissia) montrent que cette zone a joué un rôle majeur dans l'essor de la civilisation dite cycladique durant la période du bronze ancien (3200-2000 avant J.-C.). Les tombes de Grotta et d'Aplomata, de Louros, de Spédos et d'Acrotiri, ainsi que l'habitat de Panormos ont fourni un matériel de référence pour la production la plus caractéristique de cette civilisation : les « idoles » en marbre, dont la chronologie est encore floue. Quelle que soit leur signification, elles révèlent pour la première fois dans l'aire égéenne, entre 2700 et 2100 avant J.-C. un travail du marbre et une élaboration stylistique qui préfigurent ce qui sera, deux mille ans plus tard, la sculpture grecque : une figuration en marbre très stylisée, d'un petit nombre de types, à l'exception de quelques statuettes plus particulières, notamment de musiciens. Cette formalisation rigoureuse, qui confine à l'abstraction, ne doit pas leurrer, cependant : comme plus tard, la polychromie rapprochait ces statuettes de la réalité en animant leurs volumes de détails colorés aujourd'hui effacés. Il n'est d'ailleurs pas exclu que les vases de marbre dont nous apprécions les volumes épurés aient été eux aussi rehaussés de motifs, à l'instar de la céramique, qui pratique toutefois un décor incisé et non peint. Le musée archéologique de Naxos, installé dans un vaste pensionnat construit par les jésuites au xviie siècle, présente la plus riche collection d'objets de la civilisation cycladique, après celles du Musée national et du musée Goulandris d'Athènes.
La période mycénienne (1600-1100 avant J.-C.), moins brillante, est marquée par une concentration de l'habitat en quelques points de l'île, notamment au pied nord de l'acropole de la cité grecque ultérieure. Les vases à décor peint trouvés là dans les tombes s'inspirent du style mis au point sur le continent : les motifs végétaux et animaux (poissons et poulpes), de plus en plus stylisés, sont prépondérants, la figure humaine, très rare. Naxos,[...]
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Écrit par
- Bernard HOLTZMANN : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre
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