NAZARÉENS, peinture
Les nazaréens forment un courant à part du préromantisme allemand. Aux artistes du préromantisme, Philipp Otto Runge et Caspar David Friedrich, nés tous deux au xviiie siècle, autour des années soixante-dix, succèdent des artistes plus jeunes ; on citera Peter von Cornelius (né en 1783), Friedrich Olivier (né en 1785), Wilhelm Schadow (né en 1788), Franz Pforr (né en 1788), Friedrich Overbeck (né en 1789), Julius Schnorr von Carolsfed (né en 1794), Carl Philipp Fohr (né en 1795). Ils donnent à l'intuition spéculative du préromantisme une direction concrète et au panthéisme romantique ses professions de foi. Cornelius était catholique de naissance, Olivier et Schnorr von Carolsfeld protestants convaincus, Overbeck se convertira à la foi catholique. Le contenu thématique du programme nazaréen est le rétablissement d'un art contemplatif selon l'Église (l'art au service de la religion) ; l'art doit à nouveau construire et consolider la foi. Les nazaréens trouvèrent des modèles d'art religieux dans la peinture, le dessin et la gravure des xve et xvie siècles en Allemagne et en Italie, et en particulier chez Raphaël qui alimenta leur ferveur mystique.
Le renouvellement du tableau historique national fut l'autre direction où s'engagèrent les nazaréens. La guerre contre les armées de Napoléon avait considérablement développé en Allemagne la nostalgie d'un regroupement de tous les Allemands à l'intérieur d'un empire unique. Soutenus par cet état d'esprit, les nazaréens ont été les premiers à utiliser la chanson des Nibelungen, l'épopée « allemande ». Puis ils représentèrent des événements historiques qui pouvaient accélérer la prise de conscience nationale (Charlemagne, Rodolphe de Habsbourg...). Cependant, cette orientation et cette redécouverte ne se limitèrent pas à l'histoire, mais s'ouvrirent aux œuvres contemporaines (Faust de Goethe, Ondine de La Motte-Fouqué) et aux grandes figures de l'histoire et de la littérature (Richard Cœur-de-Lion, Dante, l'Arioste, le Tasse, L'Iliade et L'Odyssée, Shakespeare).
Pour les nazaréens, l'art était une méthode éducative. Sur les places, dans les églises et les mairies, leurs tableaux devaient présenter aux Allemands les hauts faits de l'esprit et de l'histoire, pour que la nation trouve son identité et que l'individu soit amélioré. L'œuvre d'Albrecht Dürer, artiste allemand par excellence selon les nazaréens, servit de modèle à leur orientation historique. Ils se sont beaucoup préoccupés de la manière dont ces deux options, l'histoire et la religion, et dans une certaine mesure l'activité et la méditation, pouvaient se fondre dans une harmonie totale.
Cette rencontre fut exprimée symboliquement : devant le trône de l'Art, Raphaël, l'Italien, contemplatif et pieux, tend les mains à Dürer, l'Allemand, actif et chevaleresque. Overbeck a représenté ce thème de la réconciliation dans son tableau Italia et Germania. L'étroit rattachement d'une grande partie des nazaréens au catholicisme renforça les composantes internationales de leurs conceptions. Leurs tableaux ne s'adressaient pas seulement à la nation allemande, mais à toute l'époque contemporaine. C'est l'humanité entière qui devait être améliorée par l'art.
Le troisième trait caractéristique du mouvement est en étroite liaison avec les deux premiers : les nazaréens s'adressaient à tous et pas seulement au cercle étroit d'une élite, pas aux seules classes dirigeantes. Cela explique le rôle important de l' illustration dans leur production ; ils redécouvrirent la gravure sur cuivre et sur bois et contribuèrent à redonner à ces techniques une place de plus en plus grande parmi les arts du xixe siècle, et à les imposer[...]
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Écrit par
- Jens Christian JENSEN : docteur en philosophie, directeur de musée
Classification
Médias
Autres références
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AUTOPORTRAIT, peinture
- Écrit par Robert FOHR
- 3 573 mots
- 6 médias
...l'hypothèse du modèle le plus accessible – et le moins coûteux – n'est pas toujours à exclure, s'agissant, par exemple, d'artistes peu fortunés comme les Nazaréens allemands de Rome, pour qui l'autoportrait (à la mine de plomb) est aussi une manière de se référer aux grands devanciers, Dürer, Holbein ou... -
BROWN FORD MADOX (1821-1893)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
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Peintre britannique né le 16 avril 1821 à Calais (France), mort le 6 octobre 1893 à Londres.
Ford Madox Brown étudie l'art à Bruges et Anvers de 1837 à 1839. Ses premières œuvres sont marquées par une palette sombre et un sentiment dramatique, en parfait accord avec les sujets byroniens qu'il peint...
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OVERBECK JOHANN FRIEDRICH (1789-1869)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 320 mots
Peintre allemand, né le 3 juillet 1789 à Lübeck, mort le 12 novembre 1869 à Rome.
Johann Friedrich Overbeck entre à l'Académie des beaux-arts de Vienne en 1806. Déçu par l'enseignement académique, il fonde avec Franz Pforr et d'autres artistes la Confrérie de saint Luc en 1809. Ce groupe de peintres,...