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MALĀ'IKA NĀZIK AL- (1923-2007)

Issue d'une famille de lettrés, Nāzik al-Malā'ika — née à Bagdad — baigne dans un milieu littéraire dès son plus jeune âge. Elle revient en 1951 des États-Unis, où elle a poursuivi ses études supérieures, et enseigne la littérature arabe à l'université de Bagdad. De son œuvre, deux figures émergent : poète du vers libre, Nāzik al-Malā’ika en fit également la théorie. C'est en décembre 1947 que paraît dans une revue littéraire de Beyrouth son poème « Al-Kūlīrā » (« Le Choléra ») dont la versification libre retient l'attention. Dans ce poème de quatre strophes publié en 1949 dans le recueil Shaẓāya wa ramād (Éclats et Cendres), on remarque plusieurs innovations : abandon de la rime unique et de la division du vers en deux hémistiches, qui caractérisent la poésie arabe classique ; des vers dont la longueur et la structure rythmique varient en fonction de la syntaxe et du sens. Comme l'indique Nāzik al-Malā’ika, ce n'est plus un mètre déterminé, choisi parmi les mètres classiques d'Al-Khalīl, qui constitue la structure rythmique du vers, mais bien le poète qui fonde son rythme sur l'utilisation des pieds selon une disposition dont il reste le seul maître. Mais structure rythmique, longueur et nombre de vers se répètent d'une manière identique d'une strophe à l'autre, produisant un équilibre que vient renforcer la similitude des rimes des quatre derniers vers. Forme qui n'est pas sans évoquer une certaine filiation avec les muwashshaḥāt, ainsi que l'influence de formes poétiques fréquentes en littérature anglaise, en particulier les stances de la monostrophic ode qu'utilisait Keats.

Le deuxième recueil de Nāzik al-Malā'ika, Qarārat al-mawja (Le Creux de la vague, 1957), respecte ce type de composition, bien que depuis 1948 le vers irrégulier, caractérisé par la dissymétrie dans l'emploi des rimes, la longueur des vers et la structure des strophes ait fait également son apparition chez elle.

Dès lors, c'est autant en critique qu'en poète que se pose Nāsik al-Malā'ika, dont le livre fondamental Qaḍāya al-si'r al-Mu'āṣir (Questions de poésie contemporaine) date de 1962. Considérant que le vers libre est essentiellement un phénomène prosodique, Nāzik al-Malā’ika veut, en libérant la poésie du carcan de la tradition classique, rapprocher le poème de la réalité, par-delà l'esthétisme des formes anciennes. Pour elle, le vers libre devra permettre l'accord de la forme et du sens, et les innovations indiquées devront, sur le plan rythmique, se limiter à l'utilisation libre des pieds d'un certain nombre de mètres déterminés : huit parmi les seize mètres classiques.

Du recueil ‘Ashiqat al-layl (Amoureuse de la nuit), publié en 1947, à ses derniers ouvrages tels Shajarat al-qamar (L'Arbre à lune, 1968) ou Ma'sāt al-ḥayāt wa ughniyat li-l-insān (La Tragédie de la vie et chanson pour l'homme, 1970), l'écriture de Nāzik al-Malā’ika charme, surprend, évolue. Poèmes de jeunesse et d'amour, pleins de fraîcheur et de simplicité, alternent avec une écriture qui sait rendre, dans des recueils tels que Qarārat al-mawja, les atmosphères troubles, mystérieuses, la recherche du bonheur et de l'absolu, l'évocation d'un monde intérieur. Comme le révèlent nombre de poèmes de ce recueil, la poétesse est habitée par la hantise de l'éphémère. Cette quête désespérée de l'instant rend périlleuse l'approche du bonheur, rendu vain par le démantèlement de l'être qui se brise. Profondeur métaphysique et pessimisme s'adoucissent cependant au fil de l'œuvre, comme en témoigne la recomposition de certains poèmes au fil des ans.

Tout au long de son œuvre, la poésie de Nāzik al-Malā’ika — qui se veut réaliste — sera[...]

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Écrit par

  • : professeur, agrégé, ancien élève de l'École normale supérieure, docteur ès lettres en littérature arabe

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