- 1. Idéologie anti-Lumières
- 2. Le nazisme comme racisme et antisémitisme
- 3. Négation de l’individu
- 4. Le nazisme comme anticommunisme
- 5. Abandon de la voie insurrectionnelle
- 6. Accession au pouvoir et nazification
- 7. Politique de puissance et économie de guerre
- 8. Adhésion des élites et résistances sporadiques
- 9. Un colonialisme esclavagiste intra-européen
- 10. Bibliographie
NAZISME
Accession au pouvoir et nazification
Répliques à la présence électorale maintenue du K.P.D. (Kommunistische Partei Deutschlands, Parti communiste d’Allemagne), les dons et les sympathies industrielles affluent vers le N.S.D.A.P. et c’est la hantise d’une possible révolution communiste qui détermine la droite, autour de l’ancien chancelier Franz von Papen, à gouverner avec les nazis. Le 30 janvier 1933, Hitler est nommé chancelier d’un gouvernement de coalition droite-N.S.D.A.P.
Contrairement aux calculs de von Papen et de la « camarilla » de junkers conservateurs qui entoure le vieux président de la République Hindenburg, les nazis se révèlent aptes à gouverner. Le travail de préparation au pouvoir mené depuis 1925 s’avère fructueux : la SS, et son service de renseignement, le SD (Sicherheitsdienst), investissent les polices des États fédérés (réunifiées en 1936 sous l’unique direction de Himmler) ; les juristes du parti, ou ralliés au parti, multiplient dès février 1933 décrets et ordonnances qui abolissent l’État de droit (fin des droits et libertés fondamentaux, extension des pouvoirs de la police, dont les actes échappent pour l’essentiel au contrôle judiciaire), mettent fin au pluralisme politique et syndical. Il s’agit d’une véritable « mise au pas » (Gleichschaltung) de l’État et de la société. L’incendie du Reichstag le 27 février 1933, une propagande hystérique, des intimidations et censures multipliées n’empêcheront pourtant pas que les élections législatives du 5 mars maintiennent 120 députés sociaux-démocrates, 81 communistes et 74 chrétiens-démocrates face à 288 députés nazis qui n’ont pas la majorité absolue.
Le pouvoir nazi impose aussi son langage à l’Allemagne. Grâce au contrôle étatique des médias, une avalanche de slogans, de termes nouveaux, de symboles et de sigles s’abat sur le pays. Victor Klemperer, professeur de philologie juif interdit d’enseignement, note avec effroi dans son journal les effets destructeurs de cette nouvelle phraséologie, qu’il nomme LTI (Lingua TertiiImperii, « langue du troisième Reich ») : elle annihile l’esprit, le discernement et jusqu’à la culture de ses utilisateurs.
Les mesures prises au nom de la « protection de la race » viennent immédiatement aussi traduire le programme de régénération biologique annoncé auparavant. Les Juifs, désignés comme des parasites étrangers au corps de la nation allemande, sont exclus de la vie publique par une loi du 7 avril 1933 (radiation des fonctionnaires « non aryens ») et de la citoyenneté allemande ( lois de Nuremberg du 15 septembre 1935). 400 décrets sont pris qui visent à leur rendre la vie impossible en Allemagne, à les contraindre à l’émigration : sur quelque 500 000 Juifs qui vivent dans le Reich, la moitié émigre en huit ans, jusqu’à l’automne de 1941.
Quant aux éléments jugés de « race pure » (reinrassig), ils sont séparés des éléments « malades ». Au nom de l’eugénisme, la loi du 14 juillet 1933 sur « la prévention de la reproduction des tares » édicte la stérilisation forcée des « malades héréditaires » (400 000 stérilisations) avant que, en octobre 1939, ne soit décidée leur élimination, ainsi que celle de tous ceux considérés comme un « fardeau » pour la nation ( « Opération T4 »).
La population jugée « saine » doit pour sa part être aguerrie, dressée et préparée à la guerre, par la pratique du sport, des sports de combat, par un endoctrinement idéologique strict qui valorise la « performance » sportive, économique et guerrière au service de la « communauté du peuple ».
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Écrit par
- Johann CHAPOUTOT : professeur des Universités, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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