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BARTLETT NEIL (1932-2008)

Chimiste américain d'origine britannique, Neil Bartlett est né le 15 septembre 1932 à Newcastle-upon-Tyne (Royaume-Uni), et mort le 5 août 2008 à Walnut Creek (Californie). Sa découverte majeure consiste en l'obtention du tout premier composé d'un gaz rare.

Sa vocation naquit dès l'âge de douze ans, lorsqu'il obtint de superbes cristaux par réaction de l'ammoniaque (NH3 + H2O) avec du sulfate cuivrique CuSO4. Il se constitua un petit laboratoire de chimiste à la maison. Après avoir obtenu, en 1958, son doctorat à l'université de Durham, il émigra au Canada et enseigna à l'université de la Colombie-Britannique à Vancouver, d'abord comme lecturer, puis comme full professor. L'université américaine Princeton le recruta en 1966, conjointement avec les Bell Laboratories, mais il reçut une offre irrésistible de l'université de Californie à Berkeley (et du laboratoire fédéral Lawrence à Berkeley), où se déroula la suite de sa carrière d'enseignant-chercheur jusqu'en 1993, date de sa prise de retraite.

En 1961, Bartlett et un étudiant, Derek Lohmann, cherchaient à identifier un composé mystérieux, rouge vif, que Bartlett avait obtenu quelques années plus tôt en combinant du platine et du fluor. Un travail acharné les mena à une conclusion surprenante : l'hexafluorure de platine PtF6 avait oxydé le dioxygène ! Le composé inconnu avait pour formule O2+ PtF6. Il est en effet surprenant de trouver un atome d'oxygène, habituellement neutre ou porteur d'une charge électrique négative, doté d'une charge nette positive. En d'autres termes, PtF6 est un oxydant meilleur encore que le dioxygène, auquel il parvient à soutirer des électrons. Bartlett émit dès lors l'hypothèse que si ce réactif pouvait oxyder le dioxygène, il pourrait bien aussi oxyder le xénon, dont l'atome présente un potentiel d'ionisation (énergie nécessaire à l'arrachement d'un électron) comparable à celui de l'oxygène.

Cette idée paraissait folle. En effet, une théorie bien établie tenait les atomes allant de l'hélium au xénon et au radon (colonne dite des gaz rares du tableau périodique) comme chimiquement inertes. Elle s'appuyait sur la présence de huit électrons à la périphérie de leurs atomes. Une règle, dite de l'octet, affirmait l'absence de toute réactivité chimique pour de tels atomes. En 1933, Linus Pauling et Don Yost, à Caltech, avaient bien tenté d'oxyder le xénon par du fluor, mais, ayant échoué, ils avaient conclu, à tort, que cette oxydation était impossible. Dès lors, Pauling soutint la règle de l'octet dans ses ouvrages, et son prestige était tel qu'elle fut érigée en dogme.

En mars 1962, Bartlett résolut de tenter l'expérience d'oxydation du xénon par PtF6. Il était seul à la paillasse vers 19 heures, le vendredi 23 mars 1962. Lorsqu'il rompit la membrane séparant le xénon incolore de PtF6 rouge, les deux gaz réagirent immédiatement, et il observa la formation d'un précipité jaune-orangé. Cela se fit avec la plus grande facilité, à la température ambiante et de façon quasi instantanée. Bartlett voulut partager la nouvelle de son succès avec ses collaborateurs, mais ils étaient tous partis dîner ! Il avait préparé le tout premier composé d'un gaz rare, de composition XePtF6, que par la suite on fut conduit à reformuler (XeF)+ (PtF5). Plus tard, Bartlett prépara aussi XeF2, XeF4 et XeF6.

On compte à présent une centaine de composés des gaz rares. Leurs applications, très diverses, vont de lasers à excimères (molécules formées de deux atomes électroniquement excités), utilisés en chirurgie oculaire, en micro-usinage, en décontamination nucléaire pour le nettoyage de surfaces, à la préparation d'antitumoraux comme le fluoro-5-uracile.

Bartlett[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)

Classification

Autres références

  • GAZ RARES ou GAZ NOBLES

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    • 3 902 mots
    • 2 médias
    C'estalors que N. Bartlett obtint le premier composé vrai du xénon, l'hexafluoroplatinate, qui fut à l'origine de la chimie des gaz rares. Mis à part le radon, qui est radioactif, et le krypton, qui a quelques composés (KrF2 ; KrF4 ; KrF2, 2 SbF5 ; Kr2O4Ba ; HKrCCH), cette chimie...