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NÉO-CLASSICISME, arts

La définition que les dictionnaires usuels donnent du terme néo-classicisme est assez évasive. « Tendance artistique et littéraire inspirée de l'Antiquité classique ou du classicisme du xviie siècle. // Tendance qui retourne à un certain classicisme, par réaction contre les audaces d'une période antérieure », voilà ce qu'affirme le Petit Larousse (édition de 1980) qui propose quelques exemples – peinture, sculpture, architecture – choisis entre 1750 et 1830 environ, non sans faire ressortir que les peintres, en France, « avaient partie liée avec les idéologies révolutionnaires, puis impériales ». De toutes les grandes notions stylistiques de l' histoire de l'art qui reposent sur une classification chronologique qu'on aimerait normative mais qui, à tout prendre, n'est qu'une commodité de classement arbitraire, le néo-classicisme devient aujourd'hui le plus controversée. La présenter sans avoir recours à l'histoire de l'histoire de l'art falsifierait sa portée actuelle. C'est pourquoi, tout en conservant ici l'article de Mario Praz (édition de 1971), historien fameux parmi les pionniers du néo-classicisme, à qui nous rendons hommage, il nous a paru nécessaire de situer son texte dans une généalogie aussi éclairante que possible, augmentée d'un état de la question et d'une bibliographie mise à jour à partir de 1972, année où fut organisée à Londres, sous les auspices du Conseil de l'Europe, l'importante expositionThe Age of Neo-Classicism.

Le substantif néo-classicisme, créé autour de 1880, désigna d'abord très largement l'art immédiatement antérieur aux mouvements modernes. L'appellation est née, comme son corollaire ironique pompier, pour fustiger les artistes d'une époque mal aimée, soumise dans une ambiance de crise à l'imitation frénétique de l'Antiquité, et recouvrant la Révolution et l'Empire. Néanmoins, l'apparition, durant la période post-symboliste, de nouveaux « attardés », réfractaires aux courants « libérés » de l'art occidental, nécessita un élargissement du terme : sorte de désir de reproduire un classicisme à jamais nostalgique. En poésie, un Jean Moréas, un moment chef d'école du décadentisme, devenait bientôt le symbole d'une volonté néo-classique. Entre l'académisme et la rébellion, le terme acquérait une solide signification péjorative. Concluant un ouvrage consacré à l'apologie du style néo-classique, centré sur 1800, François-Georges Pariset constatait que ce style « correspond à l'avènement de l'État hégélien, de la Nation, de la Patrie, qui définissent encore notre monde » et ajoutait : « Et voici maintenant ceux à cause desquels le néo-classicisme nous est devenu lointain, hostile. L'Italie fasciste a imité le néo-classicisme [...]. Autre aventure avec le IIIe Reich : Hitler, architecte manqué [...] », et, plus loin, le style « correspond à l'ère stalinienne » (L'Art néo-classique, 1974). Ce n'est pas ici le lieu d'un procès d'intention envers un auteur, excellent érudit de l'art européen du xviiie siècle, mais il convient de souligner l'impropriété du mot appliqué sans discernement, d'une manière a-historique, à toute « inspiration » d'essence classico-antique. Le casque d'or du héros grec ou de Minerve, symbole de l'académisme, à Berlin sous le règne de Frédéric II, à Moscou sous celui de Catherine II ou dans le Londres des rois George, pas plus que celui des pompiers de la Troisième République, un siècle plus tard, n'aurait continué de briller à la Belle Époque !

La perception historique du néo-classicisme correspondit d'abord, plus qu'à la reconnaissance d'un style, au rejet d'une esthétique confondue avec la « production[...]

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Écrit par

  • : ancien professeur à l'université de Rome
  • : professeur à l'université de Paris-I-Sorbonne, directeur du centre Ledoux

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<it>Psyché ranimée par le baiser de l'Amour</it>, A. Canova - crédits :  Bridgeman Images

Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, A. Canova

Syon House - crédits : John Bethell/  Bridgeman Images

Syon House

Étude d'ensemble pour le «Serment des Horaces», J. L. David, 1 - crédits : École nationale supérieure des beaux-arts, Paris

Étude d'ensemble pour le «Serment des Horaces», J. L. David, 1

Autres références

  • NÉO-CLASSICISME (littérature)

    • Écrit par
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    Il semble aller de soi que le néo-classicisme se définit par rapport au classicisme. Or, au moins en littérature, ce dernier est une notion étroite, d'ailleurs problématique : elle ne vaudrait que pour la France, et durant une courte période (les années 1660-1680). Faut-il en déduire qu'il n'y aurait...

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  • BOFILL RICARDO (1939-2022)

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  • BOSIO FRANÇOIS-JOSEPH (1768-1845)

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  • BOUCHARDON EDME (1698-1762)

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