NÉO-CLASSICISME, arts
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Le style Empire
La partie théorique du néo-classicisme se complète au cours du xviiie siècle, qui voit aussi la naissance d'œuvres originales (les tableaux de David : Hector et Andromaque, Le Serment des Horaces, Brutus, Marat , Les Sabines ; les sculptures de Canova : tombeau de Clément XIV, Hercule et Lycas, Amour et Psyché ; la Sapho de Johann Heinrich Dannecker ; la barrière de la Villette de Ledoux ; la Bank of England de John Soane ; le théâtre de l'Anatomie de Jacques Gondoin). Mais il serait injuste de penser que le style Empire n'est que l'exploitation décorative sur une grande échelle des motifs tirés de l'antique ; le critique Hugh Honour a pu écrire qu'alors « on conserva la coque archéologique et [que l'] on jeta le noyau néo-classique ». Certes, l'adoption par Napoléon du style néo-classique comme style officiel contribua non seulement à sa diffusion, mais aussi à sa standardisation : que l'on pense à l'obligation de choisir ce style non seulement pour les palais français (Fontainebleau, Compiègne, Élysée, Rambouillet, etc.), mais aussi pour ceux des pays soumis au régime napoléonien, à Turin, Florence, Laeken, Anvers, Amsterdam, Utrecht, Haarlem, Aranjuez, etc.
C'est à ce moment que paraissent en France et en Angleterre des volumes qui codifient la décoration intérieure néo-classique, le Recueil de décorations intérieures de Charles Percier et Pierre François Léonard Fontaine (publié en livraisons depuis 1801 et en volume en 1812) et la Household Furniture de Thomas Hope (1807). À l'époque de la Renaissance et du baroque, le critère de la symétrie se limitait généralement aux extérieurs. On ne suivait pas, pour l'ameublement, de règles strictes, les considérations pratiques des siècles précédents prévalant encore. Avec le néo-classicisme, la symétrie pénètre dans les intérieurs, au point que l'on chercha à dissimuler le mobilier seulement utile (l'armoire à vêtements disparut) et que l'on donna du relief aux meubles moins utiles, mais structuralement beaux, comme la console. On voulut des tapis qui, par leur dessin et leur teinte, accompagnent les lignes architectoniques et la couleur de la pièce, d'où l'exclusion des tapis d'Orient qui ne s'accordaient pas au style de l'ensemble. Bref, avec le néo-classicisme, on jeta les bases d'une véritable syntaxe de la décoration intérieure, qui n'admettait pas de solécisme. Le rationalisme dans l'ameublement, assorti aux goûts du propriétaire, avait trouvé un apôtre dans le théoricien Francesco Milizia (Principi d'architettura civile, 1781) et il aboutissait à des projets comme celui de Percier et Fontaine pour la chambre à coucher d'un Monsieur M. T. : « Sa forme, l'arrangement et la disposition des accessoires indiquent assez que le lit a été fait pour un guerrier, grand chasseur. Des armes de différentes espèces, des dépouilles d'animaux sauvages servent d'ornement ; une flèche et un arc attachés au plafond soutiennent les draperies d'étoffes qui le garantissent de l'air et des insectes pendant la nuit. Les bas-reliefs peints sur le fond représentent des chasses. » La description, dans un petit in-folio, de la Toilette présentée à Sa Majesté l'Impératrice Reine [...] au nom de la Ville de Paris (1811) est un exemple du goût allégorique de l'époque : « Une guirlande de fleurs, soutenue par deux candélabres, forme l'encadrement du miroir ; le Plaisir, voltigeant à la partie inférieure, en réunit les extrémités. Les Génies du Commerce, de l'Industrie, du Goût et de l'Harmonie entourent une jeune Flore et lui présentent le tribut de leurs cœurs et le fruit de leur labeur. Les Génies des Sciences et des Beaux-Arts, posés sur les candélabres, s'élancent vers la Déesse et déposent leurs hommages à ses pieds. » Le lavabo est une athénienne en forme de tripode, « il porte une aiguière sur laquelle on voit la nymphe de la Seine couchée sur des roseaux et entourée d'Amours et de Zéphyrs ». On peut bien sourire de la naïveté de telles allégories ; pourtant les meubles fabriqués sous l'Empire, dans un goût « archéologique », ont souvent une grâce mesurée qui ne manque pas d'originalité (en particulier les meubles des Jacob-Desmalter) ; les appliques d'or moulu (dues surtout à Thomire), souvent inspirées des motifs de Pierre-Paul Prud'hon dont l'influence dans la décoration ne saurait être exagérée, agrémentent les surfaces d'acajou poli de figures mythologiques, de végétaux stylisés, d'éléments architecturaux somptueux. L' allégorie et la mythologie trouvaient ainsi leur place dans un décor apte à exprimer le faste de l'Empire : Napoléon décourageait en effet les sujets antiques et mythologiques dans les tableaux, et exhortait les peintres à se dédier aux sujets contemporains, les détournant ainsi d'un genre assez stérile vers une peinture d'actualité qui compta plusieurs chefs-d'œuvre, tels Le Sacre de David, Les Pestiférés de Jaffa et Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau d' Antoine Jean Gros. Napoléon exigeait la précision des détails dans ce genre de tableaux ; la même précision fait le charme des portraits qui constituent les plus grands succès de la peinture de l'époque (même un artiste porté vers la suavité de l'école de Léonard, comme Andrea Appiani, possède une certaine vigueur dans les portraits). Et c'est dans les portraits plutôt que dans les tableaux inspirés de l'histoire ou de la Bible que réside la gloire d'Ingres. Si l'architecture de cette période ne peut pas rivaliser en originalité avec les projets de la période précédente (Ledoux, Boullée, Gilly et J. J. F. Weinbrenner), si les œuvres de Percier et Fontaine et de l'Italien Giuseppe Valadier ne dépassent guère un goût correct et facile à prévoir, néanmoins, le grandiose des édifices bâtis en Russie par des Italiens (Giacomo Quarenghi, Carlo Rossi, Luigi Rusca, Giuseppe Bove) et des Russes (Andreï Voronikhine, Ivan Starov, Adrian Zakharov) montre que cette phase du néo-classicisme ne marque pas une déchéance par rapport à la précédente. Et le nom du peintre russe Venetsianov se range à côté des grands noms de la peinture occidentale.
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Écrit par
- Mario PRAZ : ancien professeur à l'université de Rome
- Daniel RABREAU : professeur à l'université de Paris-I-Sorbonne, directeur du centre Ledoux
Classification
Médias
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Voir aussi
- PORTRAIT, peinture, XIXe, XXe et XXIe s.
- NÉO-CLASSIQUE PEINTURE
- NÉO-CLASSIQUE SCULPTURE
- ALLÉGORIE, histoire de l'art
- TOMBEAU
- ANGLAIS ART
- FRANÇAISE PEINTURE, XVIIIe s.
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