NÉO-CLASSICISME, arts
Engagement et idéal : la culture néo-classique
De nombreux auteurs s'interrogent donc aujourd'hui sur la portée de la notion de néo-classicisme. L'enrichissement considérable des données descriptives et analytiques du style, qui permet de ne plus confondre les « styles historiques » (historicisme) du xixe siècle et le « retour à l'antique » du xviiie siècle, remet en cause l'aperçu panoramique fondé sur l'idée de longue durée chère aux historiens de la croissance : le « Progrès des Arts », mythe clé de la culture n'a pas la même signification au xixe siècle qu'au xviiie, aussi bien pour les artistes que pour les critiques. Il semble qu'un glissement de sens s'est opéré et qu'il s'est accentué au fur et à mesure qu'apparaissaient les mouvements d'avant-garde de la fin du « siècle bourgeois ».
Dans les années 1960 et 1970, certains historiens, comme Jean Starobinski ou Robert Rosenblum, ont élargi le propos de l'histoire de l'art : le rôle des mentalités n'y surgit pas seulement comme support plausible de telle ou telle réalité stylistique – c'est encore la démarche de Mario Praz et d'Emil Kaufmann –, mais comme seul critère de lecture des œuvres et des formes plastiques. L'historien de l'art se met à l'école de l'histoire des idées, réévaluant en fonction de l'objet de son étude – les arts plutôt que l'Art – une histoire de la culture à travers l'échantillonnage le plus complet des modes d'expression : politique, scientifique, social, économique, littéraire, sans exclure l'imaginaire individuel et collectif. L'inventaire et le classement des œuvres et des motifs ne sont plus une finalité ; ils s'intègrent dans une série de procédures d'analyse historique qui sondent les mécanismes de création artistique et leurs répercussions. Dans cette optique, par rapport au projet, à l'énoncé d'un programme, à l'esquisse ou même à la formulation théorique, l'objet d'art n'est que la cristallisation d'un ensemble de phénomènes complexes qui ne seront jamais tout à fait élucidés.
En peinture, par exemple, Füssli et Goya – contemporains de David et de Canova – suivent deux voies libératrices des conventions du Style. Le premier ne renonce pas à l'idéal classique qui a pour fondements la composition et le dessin, mais il transgresse les lois de la convenance et de la bienséance en libérant sans frein l'inspiration purement onirique – il y a fantasme et phantasme, à l'origine dans le sujet, puis dans le résultat sur la toile ! Le second rejette au contraire le langage plastique articulé propre au classicisme et transmet en mouvements d'ombre et de lumière, colorés et violents, une sorte d'image-choc qui libère le lyrisme le plus personnel. Le fond et la forme peuvent se disséquer, l'impression subsiste : Füssli et Goya précèdent Delacroix, dont l'idéal classique, indéniable, confronté à la crise existentielle d'une période révolutionnaire, s'est mué en un engagement total de la personnalité, source d'énergie créatrice peu sensible aux conventions sociales et dispensatrice de libertés fugaces. L'exposition De David à Delacroix (1974-1975), non sans un parti pris positiviste qui privilégiait la description sur l'interprétation, eut le mérite de s'opposer opportunément à la néo-classicite aiguë de l'exposition de Londres (1972). Mais il semble difficile d'adhérer à l'hypothèse d'un des auteurs du catalogue qui ne voit dans la peinture d'histoire en France pendant la Révolution qu'un « épiphénomène » ; accorder une priorité au nombre des objets peints exposés officiellement pendant une période au détriment de la perception de l'expression de l'utopie par les artistes eux-mêmes,[...]
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Écrit par
- Mario PRAZ : ancien professeur à l'université de Rome
- Daniel RABREAU : professeur à l'université de Paris-I-Sorbonne, directeur du centre Ledoux
Classification
Médias
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