NÉO-COLONIALISME
Le néo-colonialisme culturel
Plus grave, car plus profonde, moins connue et plus généralisée est la seconde forme du néo-colonialisme, celle que revêtent en réalité beaucoup de prétendues charités, philanthropies et fraternités révolutionnaires qui prétendent justement libérer du néo-colonialisme économique. Ne servent-elles pas même parfois de prétextes à une mise en condition qui favorise son maintien ? C'est le cas pour certaines « bienveillances » qui aident à supporter les servitudes (et par là même les perpétuent) : par l'octroi bruyant de très petites compensations, elles stérilisent les potentialités créatrices des sociétés en quête de développement en leur imposant un mimétisme dévastateur. Cette forme nouvelle de colonisation apparaît actuellement, pour l'essentiel, sous trois formes, celles de l'impérialisme doctrinal, du système éducatif, de l'abus psychologique.
L'impérialisme doctrinal
L'impérialisme doctrinal est la forme moderne de l'égocentrisme, occidental ou non occidental. Après avoir cru apporter la « vérité missionnaire », puis les « résultats scientifiques » de modes de croissance obligés, les pays industriels s'efforcent souvent d'exporter aujourd'hui l'« expérience » de leurs étapes de croissance. Mais, en réalité, que le dogme vienne de l'Est ou de l'Ouest, il rejette comme vaine toute tentative de création originale. Les tenants de la doctrine libérale voient dans les divers « socialismes tropicaux » une concession coûteuse aux susceptibilités nationales. Quant aux marxistes orthodoxes, ils dénoncent ces diverses tentatives comme des manœuvres de camouflage du néo-impérialisme, permettant ainsi aux « cryptoréactionnaires » de repousser la vraie et seule solution, qui, bien entendu, est la leur... Ainsi, intellectuels et politiques sont-ils souvent obligés d'adhérer à une doctrine toute faite qui empêche les recherches authentiques.
Cette manière de poser le problème et d'imposer un style de vie politique et une méthode particulière de réflexion est la pire forme d'impérialisme : l'impérialisme marchand traditionnel extorquait une partie de leur avoir aux pays pauvres ; l'impérialisme doctrinal contemporain annihile leur être. Sans doute ne s'agit-il pas de se limiter à des considérations philosophiques sur la spécificité de l'être et d'oublier que, pour choisir sa voie, il faut un minimum de subsistance et de conscience, mais de reconnaître que l'on est passé d'un extrême à l'autre. Pour avoir justement, trop souvent et trop longtemps, sacrifié les réalités économiques et politiques, on en arrive, à l'inverse, à considérer qu'une technique qui peut s'avérer capable, dans certains cas, d'augmenter la puissance d'un gouvernement sur son environnement est à elle-même sa propre fin, quels que soient ses coûts et son adéquation avec les constantes structurelles de la nation. Le dogmatisme de la « voie dans la vérité » est l'avatar moderne des divers missionnarismes qui, à travers l'histoire, ont voulu faire le salut, sur terre ou ailleurs, des autres malgré eux, et qui, après avoir dénoncé l'asservissement (conscient ou inconscient) aux précédents missionnaires, imposent encore souvent aujourd'hui leur « nouvelle liberté ». Même si l'on accepte l'idée que la croissance est, à n'importe quel prix, le but primordial que doit se fixer un peuple, une telle domination doctrinale, loin d'être une aide, est un empêchement. Il ne faut pas en effet confondre les techniques et les lois économiques universelles avec les modalités psychosociales qui doivent les adapter aux divers contextes socio-historiques. Si les premières peuvent être universellement diffusées, la découverte des secondes est toujours l'affaire de responsables locaux authentiquement ancrés dans leur culture.[...]
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Écrit par
- Jacques AUSTRUY : professeur à la faculté de droit de Paris-Ouest, détaché à Antananarivo
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