NÉO-IMPRESSIONNISME
Mouvement dont l'activité s'affirme avec le plus de cohérence entre 1885 et 1890 environ, et dont Seurat, Signac, Cross, Angrand et Camille Pissarro sont, en France, les principaux représentants. Le néo-impressionnisme se définit d'abord, comme son nom l'indique, par rapport à l'impressionnisme ; mais « néo » est un préfixe ambigu : il indique une renaissance, ce qui signifie à la fois mort et héritage. Mort, car Seurat et ses amis constatent la dispersion du groupe impressionniste historique aussi bien qu'une certaine faillite de son esthétique. Héritage, car tout en se donnant des objectifs opposés à ceux de l'impressionnisme, ils cherchent à les associer dans une synthèse, à la différence de Gauguin, par exemple, qui, vers la même époque, ne trouve son style personnel que moyennant une rupture radicale avec l'impressionnisme. L'année 1880 est celle de la cinquième exposition impressionniste, mais ni Cézanne, ni Monet, ni Renoir, ni Sisley n'y figurent, et cet effritement du groupe original s'accompagne d'importants changements esthétiques. Par des voies différentes, Cézanne, Pissarro et même, pour un temps, Renoir réagissent contre ce qui, dans l'impressionnisme, répugne à la forme définie, contre sa préférence marquée pour la touche au détriment du dessin. Ils aspirent à représenter un univers moins évanescent, à laisser moins d'initiative à l'instinct, à retrouver des valeurs « classiques », plus intellectuelles d'ordonnance ou de construction, sans pour autant sacrifier toutes les conquêtes de l'impressionnisme. Cette réaction va de pair avec une réflexion théorique intense, dans le monde scientifique (Helmholtz, Rood, Chevreul dont la Loi du contraste simultané sera rééditée en 1889), sur la physiologie de la vision, les problèmes de la lumière et de la couleur : préoccupations chères aux impressionnistes et qu'ils ont illustrées depuis 1870 avec un éclat sans précédent, mais d'instinct.
Le néo-impressionnisme s'inscrit, dans ce contexte historique, non par la liquidation intégrale de l'impression, mais par sa réforme méthodique. L'initiative en revient à Seurat. Ses premiers tableaux, vers 1880-1882, reprennent la vision vibrante et la technique par touches, propres aux impressionnistes, mais avec une régularité d'écriture qui était étrangère à ceux-ci. C'est l'amorce du divisionnisme, fragmentation systématique des touches de pigments purs, dissociant la couleur locale de la couleur d'éclairage pour les combiner en principe dans un « mélange optique », qu'un premier chef-d'œuvre, Une baignade, Asnières (National Gallery, Londres), illustre en 1883-1884, suivi en 1884-1885 par Un dimanche après-midi à l'île de la Grande-Jatte (Art Institute, Chicago). Le génie fervent et rigoureux de Seurat donne sa mesure dans cette peinture, où les conquêtes de l'impression sont intégrées dans une composition toute d'ordre, de mesure, proche, même, par son rythme et par ses motifs, des pages monumentales de Puvis de Chavannes. Tels sont les très grands exemples autour desquels se réunissent, vers 1886, les artistes et les critiques sympathisants qui forment le groupe néo-impressionniste. Liés d'amitié depuis le premier Salon des indépendants (1884) où ils exposèrent ensemble et où figure la Baignade, Seurat, Signac, Cross, Angrand, Dubois-Pillet s'adonnent à d'actives spéculations esthétiques, dans le sens indiqué par Seurat. Mais ce n'est qu'en 1886 que le néo-impressionnisme se constitue pleinement comme style, et qu'il reçoit son nom (du critique Félix Fénéon, qui se fait l'interprète et le champion du groupe). C'est à l'occasion de la huitième et dernière exposition impressionniste à laquelle participent, outre Seurat avec [...]
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Écrit par
- Pierre GEORGEL : conservateur en chef du Patrimoine
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