NÉO-LAMARCKISME
Unité et diversité des néo-lamarckismes
L'hérédité des caractères acquis est un mécanisme nécessaire à toute conception néo-lamarckienne de l'évolution des espèces. Cependant, si on cherche à définir rigoureusement ce qu'est le néo-lamarckisme, il est préférable de ne pas considérer en premier lieu le recours à ce mode d'explication concernant le fonctionnement de l'hérédité. Il est plus éclairant de souligner que, dans la plupart des cas, les théories néo-lamarckiennes ont d'abord été des hypothèses concernant la genèse des variations avant d'être des explications qui rendent compte de la perpétuation héréditaire de ces variations. Cette dualité se retrouve d'ailleurs dans l'expression « hérédité des caractères acquis » elle-même : le processus d'acquisition d'un caractère y précède le processus de transmission.
L'acquisition d'un caractère, dans le cadre du néo-lamarckisme, se conçoit toujours à l'échelle de l'organisme individuel. C'est avant tout la transformation de l'individu au cours de sa vie qui autorise le changement évolutif. De ce point de vue, l'opposition avec le darwinisme moderne est complète. Dans le cadre de la théorie synthétique – la forme actuelle du darwinisme –, l'évolution se déroule majoritairement à l'échelle des populations d'organismes. Dans le cadre du néo-lamarckisme, l'évolution se déroule exclusivement à l'échelle des organismes individuels eux-mêmes. L'organisme est donc en totalité le lieu où agissent les mécanismes évolutifs, et d'abord ceux qui entraînent sa variation. C'est ici qu'on constate, une première fois, l'existence d'une large gamme de possibilités explicatives. On peut distinguer les différentes hypothèses néo-lamarckiennes concernant les mécanismes de la variation selon deux couples de critères, aboutissant à l'identification de quatre grandes familles de théories.
Il faut, d'une part, considérer l'origine des forces évolutives. Celles-ci pouvaient provenir, pour certains biologistes, de l'extérieur des organismes, c'est-à-dire de leur milieu de vie. Pour d'autres, elles devaient trouver leur origine à l'intérieur des corps, dans les propriétés intrinsèques de la matière vivante. Il faut, d'autre part, comprendre comment étaient envisagées les modalités de la variation dans leurs rapports avec les lois de la physique et de la chimie. Là aussi, deux possibilités sont envisageables. Soit la variation obéissait à des processus strictement réductibles aux lois physico-chimiques, soit on imaginait que l'être vivant était capable de mettre en jeu des forces spécifiques – vitales – indépendantes des lois régissant le monde des corps bruts, voire opposées à celles-ci.
Très souvent, les scientifiques qui pensaient que les forces à l'origine du changement évolutif résidaient à l'extérieur des organismes étaient également partisans d'une conception mécaniste du monde vivant : les organismes étaient conçus comme d'authentiques machines, certes très complexes, mais dont l'explication ne nécessitait pas de faire appel à des forces vitales particulières. À l'inverse, ceux qui voyaient le changement évolutif comme la conséquence d'une sorte de poussée interne au vivant expliquaient souvent celle-ci en faisant intervenir une force vitale ascendante, propriété privilégiée des êtres vivants.
Le néo-lamarckisme qui s'est développé en France au cours de la période 1880-1920 est un exemple du premier type envisagé ici. Ces biologistes – parmi lesquels on compte notamment Alfred Giard (1846-1908, professeur à la Sorbonne dans la chaire d'évolution des êtres organisés), Gaston Bonnier (1853-1922, professeur de botanique à la[...]
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Écrit par
- Laurent LOISON : docteur en épistémologie et histoire des sciences, chargé de recherche au CNRS, professeur agrégé de sciences de la vie et de la Terre
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