NÉO-PLATONISME
On désigne sous le nom de néo-platonisme une école philosophique qui se réclame de Platon et dont le fondateur est Plotin (205-270 apr. J.-C.). Celui-ci, qui se fit à Alexandrie le disciple d'Ammonios Sakkas, enseigna à Rome et mourut à Minturno, au nord de Naples. L'école se développa pendant les deux siècles suivants, et elle continua à vivre, particulièrement à Alexandrie, après la fermeture de l'école d'Athènes par Justinien en 529.
Mais si l'on veut se faire une idée précise du néo-platonisme, il ne faut pas l'étendre sans discernement. On dit parfois que saint Augustin, Boèce, Eckhart, saint Jean de la Croix et même Ravaisson sont des néo-platoniciens. Ce sont plus exactement des penseurs qui ont accueilli à des degrés divers l'influence néo-platonicienne et qui en retiennent certaines thèses, mais pas nécessairement l'intuition fondamentale. De même, il ne suffit pas de platoniser pour être néo-platonicien. Il faut comprendre Platon sous une certaine optique.
Pour être néo-platonicien au sens strict, il faut reconnaître comme source d'une procession universelle un Principe absolument ineffable, nommé symboliquement « l'Un » ou « le Bien ». Il faut admettre à l'origine de toute pensée une sorte de coïncidence mystique, tout aussi inexprimable, avec ce centre universel. L'effort philosophique consiste à rejoindre par le circuit dialectique cette racine éternelle de l'âme, sans aucune confusion d'essence ni abolition de sujet spirituel. On voit que la philosophie est ici avant tout la conscience méthodique de la religion.
Cette perspective fondamentale régit l'économie entière du système. Or elle repose elle-même sur une certaine exégèse du Parménide de Platon, que Plotin résume dans l'Ennéade (V, i, 8) et qui domine partout sa méditation. Le néo-platonisme surgit de ce qu'on appelle le « moyen platonisme » le jour où Plotin croit trouver le secret du platonisme dans la seconde partie de ce dialogue énigmatique. Après l'Alexandrin, chaque néo-platonicien devra s'exercer à son tour sur ce texte. Du Commentaire de Porphyre il ne reste que des fragments, mais on a la plus grande partie de celui de Proclos, et en entier celui de Damascios.
Voilà pourquoi les prédécesseurs de Plotin comme Plutarque, Albinos ou même Ammonios ne sont pas néo-platoniciens. Pour la même raison, saint Augustin et ses nombreux disciples, qui n'ont pas retenu cette clef, ne le sont pas davantage, tandis que Jean Scot dit Érigène, au ixe siècle, mérite tout à fait ce nom. Sans avoir lu le Parménide, alors perdu en Occident, il en a deviné l'essentiel.
Genèse du néo-platonisme
Les néo-platoniciens sont essentiellement tournés vers Platon, non comme vers un moment historique, mais comme vers un enseignement éternellement actuel et capable d'éclairer les problèmes les plus nouveaux. Ils appartiennent à l'ère des commentateurs et se veulent uniquement tels. Mais peut-être en vertu de ce projet même et à leur insu sont-ils créateurs.
Proclos, par exemple, a commenté de nombreux dialogues platoniciens. Plusieurs de ces commentaires ont péri, mais on possède ceux de l'Alcibiade, du Timée, du Parménide, de La République, et des notes sur le Cratyle. En outre, les ouvrages plus systématiques du même auteur tels les Éléments de théologieet la Théologie platonicienne se présentent, non sans imprudence, comme des traités platoniciens. Plus élémentaire, un petit manuel néo-platonicien qui est anonyme doit sortir des milieux alexandrins du vie siècle, les Prolégomènes à la philosophie de Platon.
Près de sept siècles séparent de Platon le premier néo-platonicien. On pourrait croire qu'un si long intervalle, avec toutes les mutations qu'il implique, interdit de retrouver vivante la veine platonicienne. Mais Platon n'a jamais cessé d'être[...]
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Écrit par
- Jean TROUILLARD : professeur honoraire à l'Institut catholique de Paris
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