NÉO-POSITIVISME ou POSITIVISME LOGIQUE
Le néo-positivisme, ou positivisme logique, ne constitue pas à proprement parler une école, ayant à sa tête un maître et attachée à un dogme, mais plutôt une attitude philosophique définie à l'origine par un groupe (le Cercle de Vienne) et aujourd'hui largement diffusée et diversifiée, en particulier aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans les pays scandinaves.
C'est en réaction contre l'idéalisme issu des grandes philosophies post-kantiennes, alors dominantes dans le monde germanique, que s'est formé à Vienne, dans les années trente, par la rencontre de quelques savants et philosophes d'un exceptionnel talent, le Wiener Kreis (Cercle de Vienne). En présence des progrès éclatants de la physique entre 1905 et 1930, comparés au déroulement incertain de la philosophie contemporaine, ils estiment que l'âge scientifique n'a pas la philosophie qu'il mérite. Cependant, aucune orthodoxie véritable ne lie les membres du groupe viennois, qui, dès 1931, commence à essaimer, avec R. Carnap et P. Frank, nommés à l'université de Prague pour occuper respectivement une chaire de philosophie des sciences de la nature et une chaire de physique. Des congrès internationaux, ayant pour thème l'« unité de la science », rassemblent alors autour des Viennois des penseurs venus d'autres horizons. Russell, Enriquez, Scholz participent au congrès de Paris (1935), G. Moore préside celui de Cambridge (1938) ; et celui de 1939 se tient à Cambridge, dans le Massachusetts. Déjà la montée du nazisme a précipité cette diaspora néo-positiviste. En 1938, Kaufmann, Menger, Gödel, Reichenbach sont aux États-Unis ; Waismann et Neurath en Angleterre, où ils ont des disciples (Ayer) ; ils en ont aussi en Scandinavie (Petzäll, Joergensen, Kaila) ; et des logiciens de Varsovie (Ajdukiewicz, Kotarbinski) sympathisent avec certaines de leurs thèses. La multiplicité des points de vue, les critiques mutuelles, comme l'évolution des personnalités diverses, rendent vaines toutes les tentatives pour fixer les traits d'une doctrine ; il est possible cependant de préciser certaines constantes, dont l'unité est celle d'une méthode de délimitation des problèmes philosophiques.
En premier lieu, les néo-positivistes veulent rapprocher la philosophie et la science, en exorcisant de faux problèmes, qu'ils dénoncent sous le nom de métaphysique. Ils proclament, en deuxième lieu, leur attachement à l' empirisme, c'est-à-dire à une philosophie qui attribue à l'expérience tout le contenu de notre savoir. Mais ils veulent, chacun à sa manière, renouveler ce thème vénérable de la tradition philosophique et en préciser le sens à la lumière de l'actuelle pratique scientifique. Ils s'occupent enfin d'expliciter la fonction logique du langage, considéré comme source de tout l'aspect formel de nos connaissances.
Si la critique de toute métaphysique qui voudrait se faire passer pour science justifie le nom de positivisme donné à cette attitude, il serait inexact et injuste de la réduire à ce thème, et d'ignorer le nombre et l'importance des problèmes philosophiques qu'elle a permis de poser avec rigueur.
Science et philosophie
La « scientificité » (Wissenschaftlichkeit) de la philosophie est l'une des idées maîtresses du néo-positivisme. Moritz Schlick l'interprète en un sens voisin de celui de Ludwig Wittgenstein : la philosophie a pour tâche d'élucider les propositions scientifiques, la science a pour fonction de les établir et de les vérifier. La philosophie est donc une connaissance positive en ce qu'elle prend pour thème le discours et la pratique scientifiques plutôt que des objets transcendant l'expérience. Mais, si la science elle-même est caractérisée comme représentation exacte du monde, la philosophie, acte d'élucidation, n'est[...]
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Écrit par
- Gilles Gaston GRANGER : professeur au Collège de France
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