NÉO-RÉALISME ITALIEN
Néo-réalisme littéraire
Après la Libération, les revues marxistes, qui jouissent d'une grande notoriété, lancent la bataille pour une société et une culture nouvelles. Mémoires et témoignages de la Résistance paraissent grâce au soutien actif des associations nationales des partisans. Les récits, à la limite du reportage, abondent. Ils racontent la retraite de Russie, la prison, la captivité, la déportation. Les quotidiens de gauche, notamment L'Unità, publient des récits de jeunes écrivains engagés (I. Calvino, M. Venturi, A. Meluschi, G. Caproni). La vérité du document s'impose contre la fiction romanesque ou du moins contre une écriture qui ne refléterait pas la réalité. Pris entre la poussée des événements et la nécessité de s'opposer à l'image traditionnelle de l'intellectuel isolé dans sa tour d'ivoire, l'écrivain est amené à représenter un contenu socialement marqué, mais on constate qu'il privilégie les situations les plus insupportables, qui sont aussi les plus dramatiques au sens rhétorique, donc susceptibles de réunir dans un même élan humanitaire les esprits les plus divers. Le populisme caractérise de nombreux récits. Thèmes fréquents, l'opposition ville-campagne, les quartiers urbains et les rues misérables dont la représentation est très souvent chargée d'adhésion sentimentale : Le Quartier (1945), Chronique familiale (1947), Chronique des pauvres amants (1947) de V. Pratolini ; Naples guerre et paix (1945), Speranzella (1949) de C. Bernari ; Le Pain dur (1946) de S. Micheli ; Spaccanapoli (1947) de D. Rea ; La Romaine (1947) d'A. Moravia. Une tendance à la fragmentation chronologique et linéaire des faits s'affirme. Dans Le Sentier des nids d'araignée (1947), Calvino choisit pour personnages les marginaux, les exclus de l'histoire. Entre eux et le lecteur la distance est trop grande ; aussi l'auteur confie-t-il à un enfant abandonné à lui-même la fonction d'intercession. C'est avec les yeux de Pin que nous pénétrons dans ce microcosme du vieux Gênes. La narration à la troisième personne se déroule au présent. D'où un effet d'immédiateté, semblable à celui des films néo-réalistes : nous sommes dans la rue, à hauteur du protagoniste.
La victoire de la Démocratie chrétienne aux élections de 1948 et le début de la guerre froide marquent une inflexion : le néo-réalisme devient un lieu d'affrontement politique. Le cinéma néo-réaliste surtout fait l'objet de violentes discussions au Sénat, puis à la Chambre au printemps de 1949. La notion de réalisme socialiste, une certaine lecture des textes gramsciens, la pensée de G. Luckács – notamment sa distinction entre narrer et décrire – fournissent les bases théoriques d'une grammaire néo-réaliste. L'application d'un modèle narratif et idéologique transparaît dans Agnès va mourir (1949) de Renata Vigano' et dans Les Terres du Saint Sacrement de Jovine. La parution en 1955 de Metello de Pratolini provoque une célèbre querelle sur le réalisme. Mais, avant qu'une polémique ne s'engage à son sujet, d'autres initiatives viennent amplifier le courant : enquête de la R.A.I., lancement des Gettoni (jetons) chez Einaudi, collection destinée à accueillir des écrivains occasionnels à côté des professionnels. Ce qui a fait le « halo » du mouvement, c'est aussi la nuée de petits auteurs qui ont eu la possibilité d'être publiés.
Au milieu des années cinquante, une crise à l'intérieur du marxisme renouvelle la réflexion. De jeunes intellectuels fondent à Bologne la revue Officina. Pier Paolo Pasolini, l'un des rédacteurs, publie en 1955 Les Ragazzi, qui met en scène le sous-prolétariat dans les bidonvilles de Rome. La crudité du récit s'accompagne d'un plurilinguisme qui rend ardue la lecture[...]
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Écrit par
- Giuditta ISOTTI-ROSOWSKY : maître de conférences, docteur d'État, université de Paris-VIII-Saint-Denis
Classification
Médias
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