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NÉOLITHIQUE

La progression du Néolithique : l'exemple européen

Il n'est pas contestable que les bases économiques du Néolithique européen ont une origine orientale. Les céréales n'y ont pas d'ancêtres indigènes, les légumineuses y sont plus répandues et ont parfois été consommées par les Mésolithiques, mais les principales espèces cultivées (lentilles, pois, pois chiches) dérivent génétiquement d'espèces orientales. Les seules plantes anciennement cultivées qui pourraient avoir une origine locale comme le pavot et certains légumes tel le chou n'ont pas eu une grande importance. Il en va de même pour les animaux d'élevage. La chèvre n'a pas de souche sauvage en Europe, les bovins et les porcs sont, dès leur arrivée, largement modifiés par la domestication et se distinguent de leurs homologues sauvages beaucoup plus robustes (aurochs et sangliers). Le mouflon des îles méditerranéennes, un temps considéré comme un ancêtre possible des moutons, n'est pas répertorié dans les faunes insulaires avant les premières colonisations humaines, il s'agit donc probablement d'un descendant des premiers ovins domestiques redevenus sauvages.

La propagation en bloc de l'économie de production et des innovations afférentes – villages, céramique, nouveaux outillages et nouvelles techniques – est le plus souvent considérée comme soutenue par un puissant courant colonisateur dont on a recherché les traces à partir de marqueurs génétiques ou linguistiques (proto-indoeuropéen). Le modèle de la vague d'avancée formulé par Luigi Cavalli-Sforza et Albert Ammerman est fondé sur l'expansion démographique des agriculteurs-éleveurs ; il propose un mouvement régulier et lent de conquêtes de nouvelles terres qui progresserait d'environ 20 kilomètres par génération. L'existence d'un décalage chronologique important entre le début du Néolithique en Europe du Sud-Est que l'on place vers 7000 av. J.-C. et son apparition vers — 4500 sur les rivages de l'Atlantique est indéniable, mais il est évident que, dans le détail, ce modèle de propagation est trop mécaniste. La propagation du Néolithique s'est produite en réalité par paliers dans le cadre de systèmes culturels qui se sont largement élaborés eux-mêmes et ont eu leur propre dynamique. Les tout premiers établissements néolithiques de Grèce sont d'extension réduite mais constituent les noyaux d'un formidable développement qui se traduira par la constitution de tells de plus en plus étendus au cours de la phase Sesklo (vers 7000-6500). Dans les Balkans, d'autres collines artificielles faites d'habitats superposés sur plusieurs mètres d'épaisseur montrent que l'adaptation agricole de la phase Starcevo (vers 6500) était suffisamment réussie pour permettre la stabilisation d'habitats importants qui se poursuivront lors de la constitution d'une société complexe, telle qu'on peut la percevoir dans la nécropole bulgare de Varna au milieu du Ve millénaire.

En Méditerranée, la propagation s'est faite en partie par mer. La navigation avait permis le peuplement de Chypre vers 8200, la Crète est investie dès 7000 par des bergers et des paysans qui ne connaissent pas encore la poterie. L'Italie du Sud est touchée vers 6200 et se couvre bientôt de nombreux villages retranchés où s'élaborent de nouvelles expressions culturelles et de nouveaux réseaux commerciaux (obsidienne de Lipari, silex du Gargano). Le peuplement devient très dense dans la plaine de Foggia bien avant que la progression puisse continuer en direction du Pô ou de la mer Tyrrhénienne. Au contact des Mésolithiques siciliens qui maîtrisaient la mer et ses multiples ressources ou de ceux des Alpes qui étaient des chasseurs forestiers, les traditions néolithiques se métissent ou se renouvellent de pied en cap. Les premiers[...]

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Sépulture du Néolithique ancien, Buthiers-Boulancourt (Seine-et-Marne) - crédits : INRAP

Sépulture du Néolithique ancien, Buthiers-Boulancourt (Seine-et-Marne)

Tombe mégalithique, Morbihan - crédits : Index/  Bridgeman Images

Tombe mégalithique, Morbihan

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