NÉOLITHISATION Europe du Sud-Est
L'interprétation
Alors que, récemment encore, l'interprétation de ces observations paraissait aller de soi, on s'aperçoit aujourd'hui, de plus en plus, qu'elles sont en fait très souvent ambiguës et qu'en outre les concepts que nous utilisons à leur propos sont, dans certains cas, beaucoup trop schématiques.
L'outillage
Dès la fin du Paléolithique supérieur, des outils microlithiques coexistent avec les types habituels. Ces microlithes, de forme souvent géométrique, caractérisent surtout, en fait, le Mésolithique et le Néolithique acéramique. Leurs usages sont multiples et sans doute incomplètement connus. Mais il est sûr que certains servent à équiper des couteaux à moissonner en bois de cervidé, qui sont les ancêtres des faucilles de métal du bronze récent. Des couteaux de ce genre, en effet, ont été trouvés en divers endroits : lorsque les microlithes sont en silex, ils portent en outre un lustre caractéristique, qui nous assure qu'ils ont bien été utilisés à moissonner des graminées. D'autres types d'outils, qui apparaissent au Néolithique acéramique, sont également liés à l'utilisation des céréales : ce sont des pilons et des mortiers, des meules dormantes et des broyeurs qui servent – entre autres usages – au pilage et au broyage des grains ; des spatules ou des cuillères, qui leur sont parfois associées, permettent de recueillir la farine.
Le problème est de savoir ce que prouve la présence de cette gamme d'outils nouveaux. On admet quelquefois qu'ils impliquent par eux-mêmes l'existence d'une agriculture constituée. Mais ils peuvent aussi bien correspondre, en fait, à un stade où l'homme utilise des céréales qui poussent à l'état sauvage sans intervenir, ou en intervenant peu, dans leur croissance et leur reproduction : les outils, dans ce cas, ne seraient pas différents de ceux que nous connaissons. En l'absence d'observations plus précises, on ne peut donc guère décider que cet équipement appartient à tel stade techno-économique plutôt qu'à tel autre.
Les espèces
L'une des bases de l'étude des débuts de l'agriculture est naturellement, dans le règne végétal comme dans le règne animal, la distinction entre les espèces sauvages et les espèces cultivées ou domestiquées par l'homme. Cette distinction est faite en fonction de la présence ou de l'absence de certains caractères morphologiques résultant de mutations. En simplifiant, on peut dire que l'absence de ces caractères est considérée comme le signe d'un statut inchangé, donc sauvage, tandis que leur présence est considérée comme celui d'un statut modifié, c'est-à-dire domestique. C'est à l'action humaine, en effet, que l'on attribue ces mutations ou, tout au moins, leur sélection.
Or si la réalité des mutations n'est pas douteuse, si elles se produisent bien à des périodes où précisément l'homme commence à exercer une action sur certaines espèces, on n'a jamais pu faire la preuve qu'elles étaient dues à cette action. Et si l'on sait fort bien que l'homme a été capable de sélectionner certaines de ces mutations, on ignore à quel moment il a commencé à le faire. On ne peut donc pas être sûr que les critères morphologiques soient pertinents pour évaluer l'action de l'homme sur les espèces végétales et animales. Ils indiquent assurément la présence ou l'absence de certaines mutations, mais celles-ci ont fort bien pu se produire avant – ou, dans quelques cas, après – les débuts de cette action. Il est donc tout à fait possible que l'on ait surestimé l'importance de l'intervention humaine et que l'on ait daté trop haut ses premières manifestations. Quoi qu'il en soit, c'est aux recherches futures qu'il appartiendra de restituer la progressivité de l'action de l'homme sur les [...]
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Écrit par
- René TREUIL : professeur à l'université de Paris-I
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