NÉOLITHISATION France et Méditerranée occidentale
Considérant que les terres du Proche-Orient (Anatolie, Syrie, Liban, Palestine, Mésopotamie, Zagros) et leurs marges immédiates présentent de manière actuellement peu discutable les plus anciennes traces des civilisations agropastorales, on ne peut que constater la position secondaire dans le temps de la néolithisation (la transition de l'économie de chasse à l'économie agricole) des rivages occidentaux de la Méditerranée (Italie, péninsule Ibérique, Maghreb littoral, France). Quelle est donc la part exacte du Proche-Orient dans la constitution des premiers groupes néolithiques de l'Occident méditerranéen ?
Remarquons d'emblée les implications de cette question :
– deux volets économiques au moins : l'apparition de l'élevage des animaux et des premières communautés pastorales d'une part ; la culture des céréales et la généralisation des phénomènes agricoles de l'autre ;
– diverses facettes technologiques : la connaissance de la fabrication de la poterie et la signification culturelle précise à accorder à cet élément ; la pratique du polissage de la pierre ; la fabrication d'outils nouveaux liés au cycle agricole, etc. ;
– des caractères sociaux : la sédentarisation progressive et l'apparition des premières agglomérations villageoises ; une inévitable poussée démographique ; l'évolution de la société vers de nouvelles structures, etc. ;
– des questions de chronologie absolue à même d'éclaircir la position respective des divers groupes humains parvenus à des stades d'évolution équivalents.
Selon quels processus ces divers caractères apparurent-ils à l'Ouest ? On peut considérer, par exemple, que les terres orientales ont sécrété des groupes de colons qui ont migré vers l'Occident, apportant des pratiques économiques et des connaissances technologiques ignorées à l'Ouest (diffusionnisme). On peut également admettre qu'il y eut en fait de simples contacts entre quelques migrants orientaux et les populations autochtones : l'acquisition de certaines techniques et certains traits auraient fini par modifier plus ou moins profondément l'identité culturelle de ces dernières (acculturation). Enfin, il est aussi permis d'envisager l'émergence de caractères propres à la néolithisation de certaines régions hors de toute pression externe (par exemple le polygénisme lié à certaines tentatives de domestication des animaux). Ces hypothèses sont sans doute moins contradictoires qu'il n'y paraît, et chacune contient à coup sûr une part de vérité.
Remarquons aussi que pendant longtemps furent considérées comme « néolithiques » les civilisations dans lesquelles apparaissaient pour la première fois la connaissance de la poterie. En Méditerranée occidentale, ce problème se confondait avec la mise en place des groupes utilisant une céramique à décor d'impressions, puisqu'il s'agissait là du repère essentiel marquant les débuts des premières civilisations paysannes. C'était un peu prendre la partie pour le tout. Aujourd'hui, des critères économiques retiennent davantage l'attention : un groupe est considéré comme néolithique ou néolithisé lorsqu'il produit sa propre nourriture, en maîtrisant certaines techniques d' élevage ou d'agriculture. Bien entendu, ces divers éléments (élevage, agriculture, céramique) n'apparaissent pas forcément en même temps.
Le rôle de la navigation
Il va de soi que l'éventuelle transmission de techniques nouvelles à l'Ouest a été largement favorisée par la navigation importante en Méditerranée dès le VIIIe millénaire, antérieurement à la connaissance de la poterie. En Égée, l'obsidienne de Mélos était déjà importée sur le continent bien avant cette époque. Chypre était déjà fréquentée au X[...]
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Écrit par
- Jean GUILAINE : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, professeur au Collège de France
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