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NÉOLITHISATION Proche-Orient et Turquie orientale

L'étude de la néolithisation au Proche-Orient offre un intérêt particulier : remarquablement précoce, elle s'y déclenche et s'y poursuit sans aucune influence extérieure. D'autre part, tous les facteurs qui caractérisent un Néolithique accompli (villages construits, agriculture et élevage, céramique et pierre polie, cultes nouveaux) vont s'y trouver présents, mais non pas d'emblée et tous ensemble, comme c'est souvent le cas lorsque la révolution vient d'ailleurs. Leur réunion ne sera effective qu'au terme d'un processus étalé sur quatre millénaires, de 10000 à 6000 avant J.-C. (chronologie radiocarbone non calibrée). Durant cette période, ces facteurs vont surgir successivement et s'engendrer les uns les autres dans une sorte de « réaction en chaîne ». Leur ordre même d'apparition n'est pas sans intérêt pour estimer leur poids et leur importance respective. Bref, la néolithisation trouve au Proche-Orient son sens premier et fondamental d'une transformation totale des sociétés humaines soumise aux seules lois de sa dynamique interne ; elle est terminée, en tant que processus, sitôt que le Néolithique existe comme assemblage achevé de ses traits constitutifs.

Le cadre naturel

La zone que Braidwood a qualifiée de « nucléaire », celle où la néolithisation s'est mise en place et s'est cantonnée un certain temps, est limitée par l'arc montagneux que constitue au nord-est le Zagros, au nord le Taurus, à l'ouest la chaîne littorale qui relie l'Amanus au Sinaï. Les steppes semi-arides recouvrant les contreforts du Zagros, la haute Mésopotamie syrienne (Djézireh) et son prolongement en Turquie et à l'ouest de l'Euphrate, et enfin la dépression du Jourdain et le Néguev constituent le véritable épicentre de la néolithisation, à laquelle ne participeront, au moins dans un premier temps, ni la Syrie littorale, ni l'Anatolie, ni la basse Mésopotamie.

Cette zone steppique est partagée de nos jours entre les États d'Israël, de Jordanie, du Liban, de Syrie, d'Irak et d'Iran. Elle englobe aussi la Turquie du Sud-Est. Elle a bénéficié de conditions naturelles exceptionnellement favorables à la néolithisation, dont l'une est la présence de plantes sauvages, céréales (blé et orge) ou légumineuses (pois, lentilles) déjà consommables avant l'apparition de leurs versions domestiques, l'autre est celle des ongulés de steppe (bœufs, moutons et chèvres sauvages) dont les troupeaux parcouraient ce territoire. Plantes comestibles et ongulés constituaient non seulement des ressources alimentaires spontanées, mais aussi le réservoir naturel de la plupart des espèces végétales et animales qui seront domestiquées dans le monde méditerranéen.

Ces conditions favorables ont eu pour origine un phénomène climatique ; le réchauffement du climat à la fin du Pléistocène est attesté par le diagramme pollinique du lac de Zéribar en Iran : c'est entre 14000 et 11000 avant J.-C. que la steppe froide à Artemisia est progressivement remplacée par la savane à chênes et à pistachiers, indice d'une chaleur et d'une humidité accrues, tandis que les céréales sauvages se répandent sur les pentes montagneuses et les plateaux où règne désormais un climat assez semblable au nôtre. Un diagramme pollinique effectué dans la plaine du Ghab, sur l'Oronte, confirme ces indications pour la Syrie, alors que le réchauffement du plateau anatolien s'effectuerait, selon d'autres documents, avec un certain retard.

Ces changements naturels étaient propices à la néolithisation, mais ils ne furent pas déterminants. Son déclenchement se fait attendre environ un millénaire en Syrie-Palestine, et plus encore à mesure que l'on s'éloigne vers l'est, jusqu'aux bords de la Caspienne, par exemple, où un mode de vie quasi [...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S.
  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de la mission de Cafer Höyük et de préhistoire anatolienne du ministère des affaires étrangères

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