NÉOLITHISATION Vue d'ensemble
Le terme de « néolithisation », comme celui de « néolithique » qui apparaît dès 1865 (J. Lubbock) dans la littérature archéologique, fait référence par son étymologie à un changement technologique : l'apparition dans les outillages préhistoriques de la pierre polie (neos lithos, nouvelle pierre), opposée à la pierre taillée, seule connue de l'humanité « paléolithique ». Assez vite, le Néolithique sert à désigner une mutation plus globale, lorsque les archéologues travaillant en Europe y constatent d'autres changements solidaires du premier : les uns sont technologiques, comme l'apparition de la céramique et, plus généralement, une certaine diversification des outillages ; d'autres sont de nature sociale (groupements humains en villages) ou économique (débuts de la « production de subsistance », c'est-à-dire de l'agriculture et de l'élevage).
En 1930, V. Gordon Childe parle de « révolution néolithique », et une précocité particulière du Proche-Orient dans ce domaine lui fait désigner le Croissant fertile comme lieu originel du déclenchement de cette révolution, censée, dans une perspective diffusionniste, se répandre peu à peu à travers les régions limitrophes, avec les décalages chronologiques normaux, du centre à la périphérie du processus. C'est aussi à Gordon Childe que remonte la tendance, demeurée vivace chez de nombreux chercheurs, à considérer parmi ces changements l'un d'entre eux, la production de subsistance, comme fondamental et entraînant tous les autres.
Au cours des dernières décennies, où les archéologues ont vu se développer la complexité de leur sujet à la mesure de leurs progrès méthodologiques et de la diversification géographique de leurs recherches, ces théories se sont révélées inapplicables sans de substantiels remaniements. S'il y a bien une certaine diffusion du Néolithique à partir du Proche-Orient, elle ne semble concerner que le pourtour de la Méditerranée, et son contenu exact fait problème. La primauté de la production de subsistance dans la genèse du processus est remise en cause tant en Afrique saharienne, où groupements humains et mutations technologiques semblent la précéder, qu'au Proche-Orient même où la constitution de villages non encore « producteurs » est apparue comme le phénomène premier, créant des conditions socioculturelles favorables à l'éclosion des autres inventions.
Une certaine cacophonie théorique subsistera tant que les chercheurs ne se seront pas accordés sur le contenu à donner à la notion de Néolithique, et qu'ils l'accepteront ou la répudieront au gré de leurs définitions propres. Doit-on la réserver aux cultures présentant tous les caractères énoncés plus haut ? Elle ne vaut en ce cas que pour la plupart des Néolithiques européens, tandis qu'elle s'applique seulement à la phase finale de la néolithisation au Proche-Orient et en Afrique, régions où ces caractères apparaissent en ordre dispersé. Doit-on, à la mode anglo-saxonne, la réserver aux populations d'agriculteurs et (ou) d'éleveurs ? Même exclusion pour la plupart des cultures africaines, pourtant considérées par d'autres comme néolithiques. Et qu'en est-il des groupements villageois préagricoles de Syrie-Palestine, où font défaut tous les autres caractères significatifs et qui sont pourtant une première étape conditionnant toutes les autres ?
Ce qui importe donc, c'est moins le concept de Néolithique qui, au sens plein, désigne seulement le terme d'un processus, que celui de néolithisation qui insiste sur la dynamique même de ce processus et admet la diversité des cheminements particuliers. Si pour les pays méditerranéens cette néolithisation reste conçue essentiellement comme un apport extérieur, puisqu'une influence du Proche-Orient existe bien, les documents africains[...]
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Écrit par
- Jacques CAUVIN : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Marie-Claire CAUVIN : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de la mission de Cafer Höyük et de préhistoire anatolienne du ministère des affaires étrangères
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