ALMENDROS NESTOR (1930-1992)
Avec Raoul Coutard, Nestor Almendros a largement contribué, en France, à transformer l'image de cinéma et à la faire entrer dans sa période moderne. Né en 1930 à Barcelone, il rejoint en 1948 son père exilé à La Havane, où il réalise des films amateurs. Après un bref passage au Centro sperimentale de Rome, au contact des cinéastes « indépendants » new-yorkais, il tourne son premier court-métrage en 16 millimètres, 58-59. Après la chute de Batista, il participe à Cuba, comme chef opérateur ou réalisateur, à une vingtaine de films documentaires, mais se heurte vite aux canons de l'esthétique officielle. Son intérêt pour la Nouvelle Vague l'amène en France, où il rencontre Eric Rohmer et Barbet Schroeder, et collabore à Paris vu par... (1964). La Télévision scolaire lui permet ensuite de développer librement ses idées sur la lumière.
Le manifeste esthétique de Nestor Almendros date de 1966 avec La Collectionneuse d'Eric Rohmer. « Le manque de moyens, explique-t-il, m'a servi. » Il amène en effet le chef opérateur à utiliser, au lieu d'éclairages d'appoint, des miroirs réfléchissant la lumière solaire. Tout le reste en découle. Réagissant moins au style d'éclairage du cinéma français des années 1950 qu'à des règles sclérosées issues d'une tradition plus photographique que cinématographique, le travail de Nestor Almendros sert admirablement le projet de Rohmer en utilisant toutes les ressources de la lumière méditerranéenne, tant en extérieur qu'en intérieur. Au lieu de corriger la nature pour en forcer le sens, comme les opérateurs classiques, Almendros préfère recueillir toute la richesse de sensations apportées par la lumière solaire, respecter la lumière naturelle qu'il préfère appeler « logique », quitte à lui imprimer ensuite une direction répondant au projet artistique du cinéaste. Pendant plusieurs années, Rohmer ne pourra envisager de travailler avec un autre opérateur qu'Almendros, qui se révélera tout aussi inventif en studio sur Perceval le Gallois (1978) ou dans un film historique comme La Marquise d'O (1976). Le fait qu'Almendros ait éclairé de nombreux films de Truffaut (La Chambre verte, 1978) ou de Barbet Schroeder, comme La Gueule ouverte de Maurice Pialat (1974) et Mes Petites Amoureuses (ibid.) de Jean Eustache, ne doit pas faire oublier que ses possibilités ne se limitaient pas exclusivement à la Nouvelle Vague. Son travail sur la lumière crue et la couleur dans Les Moissons du ciel (1976) de Terence Malick montre un homme de goût et d'une grande culture, qui n'est pas uniquement picturale. Tout en continuant depuis le milieu des années 1980 une carrière essentiellement américaine, Almendros était revenu à la réalisation avec deux documentaires politiques sur Cuba : Mauvaise Conduite (1984) et Personne ne voulait entendre (1988). Il laisse un remarquable livre de réflexion sur son métier : Un homme à la caméra (1980).
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
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