NEUROSCIENCES COGNITIVES ET AGENTIVITÉ
L'agentivité renvoie à la conscience subjective que nous avons de causer volontairement nos actions, d'en contrôler le cours et d'en maîtriser les effets. Elle constitue ainsi une composante importante de la conscience de soi, jouant un rôle essentiel dans la compréhension que nous avons de nous-mêmes comme des agents actifs de notre propre vie et, comme tels, responsables de nos actes.
Depuis la fin des années 1990, de nombreux travaux en psychologie et neurosciences cognitives ont tenté d'élucider les processus qui sont à la source du phénomène d'agentivité et d'en identifier les bases neurales. Deux approches ont initialement été proposées pour rendre compte de ce phénomène : l'approche dite de la prédiction motrice – ou des comparateurs – et l’approche de la reconstruction cognitive.
L’approche de la prédiction motrice
L’approche de la prédiction motrice s'inspire de modèles computationnels du contrôle moteur dont voici quelques éléments définitionnels. Les signaux acheminés depuis les différents capteurs sensoriels jusqu'au système nerveux central sont appelés afférences. Les commandes motrices générées par le système nerveux central et acheminées vers les muscles sont appelées efférences. Les signaux sensoriels produits en retour de l'exécution d'une commande motrice sont appelés réafférences. La notion de copie d'efférence renvoie à l'idée que lorsqu'une commande motrice est produite, une copie de cette commande est également créée. Cette copie est utilisée pour prédire les effets sensoriels de la commande motrice (décharge corollaire) et ainsi distinguer les réafférences sensorielles d'afférences sensorielles générées par des événements externes.
Selon les modèles computationnels du contrôle moteur, la préparation d'une action s'accompagne de la prédiction des effets sensoriels de cette action sur la base d'une copie d'efférence de la commande motrice programmée et le contrôle de l'action en cours d'exécution dépend de la comparaison entre effets prédits et réafférences sensorielles. Selon cette approche, les signaux utilisés pour le contrôle moteur pourraient aussi constituer la source principale du sens de l'agentivité. Cette hypothèse est corroborée par des travaux montrant que, chez le sujet sain, la conscience de déclencher un mouvement volontaire est de nature prédictive puisqu'elle précède le déclenchement effectif du mouvement. De nombreuses études montrent également que lorsque l'on manipule les réafférences sensorielles en introduisant des délais temporels ou des biais spatiaux, le sens de l'agentivité est réduit.
Sur le plan neural, ces « incongruences » entre prédictions et réafférences sensorielles ainsi que la réduction du sens de l'agentivité qui les accompagne ont été associées avec une activation accrue dans plusieurs aires cérébrales, notamment au niveau du gyrus temporal supérieur, du lobe pariétal inférieur, du cortex préfrontal dorso-médian, du précuneus, des aires motrices supplémentaires antérieures et du cervelet. La congruence entre prédictions et réafférences sensorielles a, elle, été associée à une activation de l'insula, du cortex somato-sensoriel primaire et du cortex prémoteur.
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Écrit par
- Elisabeth PACHERIE : directrice de recherche au CNRS
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