- 1. L'imagerie du fonctionnement cérébral
- 2. L'étude des processus cognitifs repose sur une combinaison de techniques
- 3. Enregistrements unitaires et nature des représentations neurales
- 4. L'I.R.M.f. et les neurosciences cognitives comparatives et développementales
- 5. Interactions sociales et neurosciences cognitives
- 6. Neurosciences cognitives et interfaces cerveau-machine
- 7. Neurosciences cognitives : limites et éthique
NEUROSCIENCES COGNITIVES
Enregistrements unitaires et nature des représentations neurales
La notion de « représentation neurale » est au cœur des neurosciences cognitives comme celle de « représentation mentale » est au cœur de la psychologie cognitive. Tout être humain élevé dans notre culture reconnaîtra La Joconde, même si ce tableau n'apparaît que pour une fraction de seconde. Quelle représentation cérébrale a été activée ?
Pour certains chercheurs, la représentation de La Joconde implique l'activation d'un ensemble de neurones très important – plusieurs millions, voire plusieurs milliards – dont aucun n'est véritablement sélectif à ce stimulus. Selon cette idée, la représentation du stimulus est « distribuée ». Pour d'autres chercheurs, cette représentation n'implique que l'activation d'un petit nombre de neurones très spécifiques, et on parle alors de représentation « éparse ». Dans l'hypothèse la plus extrême, celle de la cellule « grand-mère », un neurone unique ne s'active que si apparaît le stimulus particulier pour lequel il s'est spécialisé (le chien du voisin, le générique d'une émission télévisée, un politicien, sportif ou artiste particulier).
Les méthodes d'imagerie disponibles en neurosciences cognitives ne sont pas en mesure de trancher le débat entre défenseurs de représentations distribuées et éparses. Cette question, toujours d'actualité comme beaucoup d'autres, demande l'étude du codage de l'information au niveau du neurone individuel.
L'enregistrement de neurones unitaires est une méthode invasive, puisqu'une ou plusieurs électrodes doivent pénétrer dans le cerveau. Cette méthode n'était donc utilisée que chez l'animal (essentiellement chez la souris, le rat, le chat, et le singe). Elle a permis d'importantes avancées, parfois difficilement acceptées par la communauté scientifique. Ainsi, Charlie Gross, qui a pour la première fois parlé de cellules spécifiques aux visages, a dû attendre plus de dix ans pour que son travail soit reconnu. Il est maintenant parfaitement accepté que plusieurs zones cérébrales sont principalement – sinon exclusivement – dédiées à l'analyse des visages. Jusqu'à très récemment, les données obtenues chez l'animal étaient utilisées pour inférer le codage neuronal chez l'homme. Or, depuis les années 2000, un nombre croissant d'études implique l'enregistrement de neurones individuels chez l'homme. Il est en effet devenu relativement courant d'implanter des électrodes chez les patients épileptiques pharmacorésistants, afin de déterminer avec précision la localisation du foyer épileptique qui doit être extrait par chirurgie. Pendant la durée de cette implantation, généralement une semaine ou deux, la réponse de neurones individuels dans diverses tâches cognitives peut être recherchée avec la collaboration du patient. Les résultats de ces études sont fascinants. Des chercheurs ont pu mettre en évidence des neurones capables de répondre sélectivement chaque fois que l'image d'un lieu (l'Opéra de Sydney) ou d'un personnage célèbre (Saddam Hussein) est présentée au patient. On a parlé du neurone « Jennifer Aniston », mais des neurones sélectifs pour des centaines voire des milliers de stimuli précis ont été décrits. Le même neurone peut répondre sélectivement à la vue, mais aussi au nom de la personne, que le nom soit écrit ou prononcé. Le stimulus n'a même pas besoin d'être présent – le neurone s'active lorsqu'on demande au patient de penser à cette personne !
Ce type de résultat étaye fortement l'hypothèse de la représentation « éparse », mais les auteurs de ces études évitent de s'engager sur l'hypothèse extrême de la cellule « grand-mère ». Un neurone sélectif à « Jennifer[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Michèle FABRE-THORPE : directrice de recherche de première classe CNRS
- Simon THORPE : directeur de recherche de première classe, CNRS
Classification
Médias
Autres références
-
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET THÉORIE DE L'ESPRIT
- Écrit par Dana SAMSON
- 1 325 mots
- 1 média
Le concept de théorie de l’esprit renvoie à nos connaissances sur la manière dont l’esprit humain fonctionne. Ces connaissances sont utilisées de manière plus ou moins explicite pour attribuer des états mentaux (émotions, désirs, intentions, croyances et connaissances) à soi-même et à autrui afin d’adapter...
-
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET SOMMEIL
- Écrit par Philippe PEIGNEUX
- 1 398 mots
Le sommeil est souvent perçu comme un arrêt nécessaire de nos activités d’éveil, mettant le corps et le cerveau au repos. L’analogie au mode de veille passif d’un ordinateur est toutefois erronée. En effet, ce qui caractérise le cerveau « endormi » est avant tout un changement de son mode opératoire...
-
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET AGENTIVITÉ
- Écrit par Elisabeth PACHERIE
- 1 354 mots
L'agentivité renvoie à la conscience subjective que nous avons de causer volontairement nos actions, d'en contrôler le cours et d'en maîtriser les effets. Elle constitue ainsi une composante importante de la conscience de soi, jouant un rôle essentiel dans la compréhension que nous avons de...
-
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET DOULEUR
- Écrit par Valery LEGRAIN
- 1 409 mots
-
ALEXIES
- Écrit par Marie-Pierre de PARTZ
- 1 658 mots
Les dyslexies acquises de l’adulte présentent un intérêt non négligeable pour la recherche en neurosciences, qui s’intéresse entre autres aux soubassements neuronaux de l’activité de lecture. Différentes techniques d’imagerie cérébrale permettent d’identifier les circuits cérébraux activés lorsque... -
APPRENTISSAGE, psychologie
- Écrit par Daniel GAONAC'H et Jean-François LE NY
- 5 939 mots
- 2 médias
...l’organisation des connaissances en mémoire. Cette évolution tient aux apports conjoints de la psychologie cognitive, de la neuropsychologie, et des neurosciences cognitives. Elle ne rend pas obsolètes les données accumulées depuis le début du xxe siècle sur les mécanismes de base de l’acquisition... -
CERVEAU ET PRODUCTION ÉCRITE
- Écrit par Marieke LONGCAMP et Jean-Luc VELAY
- 1 201 mots
- 1 média
L’écriture est à la fois langage et motricité. Langage, car pour exprimer des idées il faut choisir les mots, former des phrases grammaticalement correctes, respecter l’orthographe. Motricité, car il faut coordonner finement les mouvements des doigts et du poignet pour tracer ces mots sur le...
-
CERVEAU ET BILINGUISME
- Écrit par Jean-Marie ANNONI
- 804 mots
- 1 média
On sait, depuis les découvertes de Paul Broca en 1861 et de Carl Wernicke en 1874, et des recherches successives, que le système langagier chez le droitier monolingue repose essentiellement sur un réseau fronto-temporo-pariétal gauche. Ce constat est vrai pour plus de 90 p. 100 des sujets droitiers...
- Afficher les 30 références