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NEUROSCIENCES COGNITIVES

Enregistrements unitaires et nature des représentations neurales

La notion de « représentation neurale » est au cœur des neurosciences cognitives comme celle de « représentation mentale » est au cœur de la psychologie cognitive. Tout être humain élevé dans notre culture reconnaîtra La Joconde, même si ce tableau n'apparaît que pour une fraction de seconde. Quelle représentation cérébrale a été activée ?

Pour certains chercheurs, la représentation de La Joconde implique l'activation d'un ensemble de neurones très important – plusieurs millions, voire plusieurs milliards – dont aucun n'est véritablement sélectif à ce stimulus. Selon cette idée, la représentation du stimulus est « distribuée ». Pour d'autres chercheurs, cette représentation n'implique que l'activation d'un petit nombre de neurones très spécifiques, et on parle alors de représentation « éparse ». Dans l'hypothèse la plus extrême, celle de la cellule « grand-mère », un neurone unique ne s'active que si apparaît le stimulus particulier pour lequel il s'est spécialisé (le chien du voisin, le générique d'une émission télévisée, un politicien, sportif ou artiste particulier).

Les méthodes d'imagerie disponibles en neurosciences cognitives ne sont pas en mesure de trancher le débat entre défenseurs de représentations distribuées et éparses. Cette question, toujours d'actualité comme beaucoup d'autres, demande l'étude du codage de l'information au niveau du neurone individuel.

L'enregistrement de neurones unitaires est une méthode invasive, puisqu'une ou plusieurs électrodes doivent pénétrer dans le cerveau. Cette méthode n'était donc utilisée que chez l'animal (essentiellement chez la souris, le rat, le chat, et le singe). Elle a permis d'importantes avancées, parfois difficilement acceptées par la communauté scientifique. Ainsi, Charlie Gross, qui a pour la première fois parlé de cellules spécifiques aux visages, a dû attendre plus de dix ans pour que son travail soit reconnu. Il est maintenant parfaitement accepté que plusieurs zones cérébrales sont principalement – sinon exclusivement – dédiées à l'analyse des visages. Jusqu'à très récemment, les données obtenues chez l'animal étaient utilisées pour inférer le codage neuronal chez l'homme. Or, depuis les années 2000, un nombre croissant d'études implique l'enregistrement de neurones individuels chez l'homme. Il est en effet devenu relativement courant d'implanter des électrodes chez les patients épileptiques pharmacorésistants, afin de déterminer avec précision la localisation du foyer épileptique qui doit être extrait par chirurgie. Pendant la durée de cette implantation, généralement une semaine ou deux, la réponse de neurones individuels dans diverses tâches cognitives peut être recherchée avec la collaboration du patient. Les résultats de ces études sont fascinants. Des chercheurs ont pu mettre en évidence des neurones capables de répondre sélectivement chaque fois que l'image d'un lieu (l'Opéra de Sydney) ou d'un personnage célèbre (Saddam Hussein) est présentée au patient. On a parlé du neurone « Jennifer Aniston », mais des neurones sélectifs pour des centaines voire des milliers de stimuli précis ont été décrits. Le même neurone peut répondre sélectivement à la vue, mais aussi au nom de la personne, que le nom soit écrit ou prononcé. Le stimulus n'a même pas besoin d'être présent – le neurone s'active lorsqu'on demande au patient de penser à cette personne !

Ce type de résultat étaye fortement l'hypothèse de la représentation « éparse », mais les auteurs de ces études évitent de s'engager sur l'hypothèse extrême de la cellule « grand-mère ». Un neurone sélectif à « Jennifer[...]

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