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NEUROSCIENCES SOCIALES

Le tournant du xxie siècle a vu une explosion de recherches sous l’étiquette des neurosciences sociales. Étant donné le charme des découvertes si l’on en croit les titres de certains articles (axés sur les bases neurales de l’amour, de l’altruisme, du jugement moral, de la générosité ou de la confiance), ces travaux suscitent non seulement l’intérêt de la communauté scientifique, mais aussi celui des médias et du grand public. Cependant, comme il sera développé ici, c’est une chose d’assumer que tout phénomène psychosocial est sous-tendu par des mécanismes biologiques, c’en est une autre de prétendre qu’une région du cerveau ou un circuit particulier serait la base d’entités phénoménologiques aussi complexes que la confiance en soi, l’amour parental ou le raisonnement moral.

Dans cet article, nous définirons d’abord ce que sont les neurosciences sociales, en adoptant une perspective transdisciplinaire (de la biologie de l’évolution à l’économie comportementale). Il est à noter que les définitions de fonctions psychologiques et sociales ne peuvent guère compter sur la phénoménologie ni être directement réduites à des processus moléculaires. Cependant, les concepts développés par les scientifiques comportementaux et sociaux sont utiles pour décrire des systèmes complexes. Les progrès en neurosciences sociales nécessitent une intégration des niveaux d’analyse. Ces niveaux se rapportent ici à différentes échelles selon lesquelles le cerveau et le comportement peuvent être représentés (niveaux moléculaire, cellulaire, tissulaire, organe, système, organisme, environnement social et contexte socioculturel).

Le champ d’application des neurosciences sociales

Longtemps, les neurosciences traditionnelles ont considéré le système nerveux comme une entité relativement isolée, et les chercheurs ont largement ignoré les influences de l’environnement social dans lequel les humains et les autres espèces animales vivent. Or, par définition, les espèces sociales créent des organisations au-delà de leurs propres structures, qui vont des dyades aux ensembles culturels en passant par des familles et des groupes sociaux plus ou moins étendus. Ces structures sociales ont émergé en même temps que les mécanismes génétiques, cellulaires, hormonaux et neuronaux qui les soutiennent, car les comportements sociaux qui en résultent ont aidé ces organismes à survivre et à se reproduire. L’environnement social influence le comportement (et vice versa) à travers l’ensemble des espèces, des microbes aux humains. Les vertébrés présentent une diversité remarquable d’organisations sociales, s’étendant de formes de vie relativement asociale et territoriale aux organisations monogames pour aboutir aux espèces hypersociales vivant dans de grands groupes sociaux complexes. À cette variété interspécifique s’ajoute également une grande diversité de comportements sociaux entre les individus d’une même espèce. Cette diversité peut être façonnée par les relations sociales, l’état du système neuroendocrinien et des facteurs génétiques.

Les neurosciences sociales peuvent être considérées comme le domaine interdisciplinaire consacré à l’étude de ces mécanismes neuronaux, hormonaux, cellulaires et génétiques et, en corollaire, à l’étude des associations et des influences entre les niveaux sociaux et biologiques des espèces sociales, qu’il s’agisse des insectes, des rongeurs, des mangoustes ou des primates.

Cet effort interdisciplinaire et cette stratégie d’analyse multiniveaux ne se limitent donc pas à l’homme. La biologie évolutive et la génétique nous enseignent que nous partageons de nombreux gènes avec d’autres animaux, même avec un organisme aussi simple que le ver Caenorhabditis elegans. Grâce aux séquences du génome devenues disponibles pour diverses espèces, nous savons maintenant qu’un nombre[...]

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Écrit par

  • : professeur de psychiatrie et de psychologie à l'université de Chicago, Illinois (États-Unis)

Classification

Média

Régions cérébrales impliquées dans la morale - crédits : Dr. Jean Decety/ University of Chicago

Régions cérébrales impliquées dans la morale

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