- 1. « L'expédient » de Pauli et l’hypothèse du neutrino
- 2. La découverte des trois types de neutrinos
- 3. Les neutrinos et l'interaction électrofaible dans le modèle standard
- 4. Les oscillations de neutrinos
- 5. Que sont les neutrinos ?
- 6. Dirac ou Majorana ?
- 7. Des neutrinos stériles ?
- 8. Les neutrinos comme sonde de la matière
- 9. Les neutrinos, messagers de l'astronomie et de la cosmologie
- 10. Bibliographie
- 11. Sites internet
NEUTRINOS
Les neutrinos sont sans doute les particules élémentaires les plus déconcertantes de l'Univers. Omniprésents, ils interagissent si faiblement avec la matière qu'ils traversent quasiment sans être déviés les planètes comme les espaces intergalactiques. Continuellement produits lors des réactions nucléaires, ils ne se désintègrent pas et leur nombre ne fait que croître. Toutes les étoiles en produisent abondamment lors de leurs réactions nucléaires internes et on estime qu’il y a en moyenne 300 neutrinos dans chaque centimètre cube de l’Univers. Leur flux en provenance du Soleil atteint 65 milliards de particules par centimètre carré et par seconde au niveau de la Terre. Leur extrême discrétion impose aux physiciens de concevoir des systèmes de détection gigantesques pour déceler leur passage. Près d'un siècle après leur « invention » par le physicien autrichien Wolfgang Pauli (1900-1958), ils continuent à poser de redoutables problèmes aux physiciens qui tentent de comprendre leur nature.
« L'expédient » de Pauli et l’hypothèse du neutrino
Décembre 1930 : depuis plusieurs années, les physiciens observent les désintégrations β de certains noyaux radioactifs, comme celle du bismuth 210 en polonium 210. Ils ont compris que les rayons β sont en fait des électrons et ils mesurent de plus en plus précisément leur énergie lors de cette désintégration. À leur grande surprise, cette énergie n'est pas fixée par la différence de masse entre le noyau initial et le noyau final mais au contraire prend diverses valeurs pour une même désintégration ; on dit qu'on observe un spectre continu d'énergie. Pourtant, un calcul cinématique simple montre comment calculer l'énergie de l'électron si l'énergie totale est conservée lors de la désintégration. Comment expliquer cette apparente dissipation (non-conservation) de l'énergie ? Dans une lettre adressée aux participants d'un congrès à Tübingen – auquel il ne peut pas participer en personne car sa « présence est requise à un bal », à Zurich... –, Pauli demande l'attention de ses « collègues radioactifs » à « l'idée d'un expédient qui lui est venue en désespoir de cause pour sauver le principe de conservation de l'énergie ». Cette idée est l'existence de particules électriquement neutres dans les noyaux, de masse au moins 100 fois inférieure à celle des protons. Pauli propose de les appeler « neutrons » ; on les appellera plus tard « neutrinos », pour les distinguer des neutrons dont la masse est proche de celle des protons, et qui furent découverts en 1932. Il souligne que, puisque l'énergie de désintégration est partagée entre l'électron et cette nouvelle particule, l'énergie de l'électron prend naturellement des valeurs variées, comme on l'a mesuré. Bien que Pauli ne s'aventure pas – selon ses propres mots – à publier cette idée, Enrico Fermi (1901-1954) l'incorpore à sa théorie de la radioactivité dès 1934, et le neutrino s'impose peu à peu comme une composante essentielle d'une description acceptable des désintégrations β. Le neutrino est décrit comme une particule de moment angulaire intrinsèque – ou spin – égal à h/4π (h étant la constante de Planck), c'est-à-dire qu’il est un fermion, comme l'électron, mais avec une charge électrique nulle. On suppose aussi qu'il existe une antiparticule associée, un antineutrino. Reste à observer cette nouvelle particule et à établir précisément ses propriétés.
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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