- 1. « L'expédient » de Pauli et l’hypothèse du neutrino
- 2. La découverte des trois types de neutrinos
- 3. Les neutrinos et l'interaction électrofaible dans le modèle standard
- 4. Les oscillations de neutrinos
- 5. Que sont les neutrinos ?
- 6. Dirac ou Majorana ?
- 7. Des neutrinos stériles ?
- 8. Les neutrinos comme sonde de la matière
- 9. Les neutrinos, messagers de l'astronomie et de la cosmologie
- 10. Bibliographie
- 11. Sites internet
NEUTRINOS
Que sont les neutrinos ?
La découverte du phénomène d’oscillation des neutrinos bouleverse notre compréhension des interactions fondamentales. Dans le cadre théorique général dans lequel on décrit au niveau élémentaire les champs quantiques de la matière, elle implique que les neutrinos ont des masses non nulles, au moins pour un type d’entre eux, contrairement aux conclusions du modèle standard. Certes, ces masses sont minuscules, très inférieures à la masse de l’électron selon la plupart des estimations, et on n’arrivera peut-être jamais à les mesurer de façon directe. Mais cette découverte ouvre une brèche – la première – dans le modèle (qualifié de standard) construit dans les années 1970 et décrivant correctement toutes les connaissances issues des expériences de physique des particules.
Pour tenter de mesurer la masse des neutrinos électroniques, les physiciens analysent avec une grande précision le spectre d'énergie des électrons émis dans une désintégration nucléaire relativement simple. Ainsi, l'expérience Katrin (pour Karlsruhe Tritium Neutrino), menée à Karlsruhe (Allemagne) par 150 physiciens de six pays, permet de mesurer avec une précision record la désintégration de noyaux de tritium (l'isotope radioactif de l'hydrogène contenant deux neutrons) en noyaux d'hélium accompagnés d'un électron et d'un neutrino. L'analyse de la part de l'énergie issue de la différence de masse du noyau initial et du noyau final, soit 18,6 kiloélectronvolts (keV), emportée par l'électron permet d'affirmer que l'équivalent en énergie de la masse du neutrino est inférieur à 0,8 eV, soit 630 000 fois inférieur à la masse de l'électron. Cependant, la précision obtenue ne permet pas vraiment de mesurer cette masse.
Dans le modèle standard, on explique les interactions faibles des quarks par l'échange de bosons W ou Z. Cependant, les résultats expérimentaux indiquent que, lorsqu'un boson W+ est émis par un quark u, il produit une superposition linéaire des quarks d, s et b. La physique quantique met souvent en jeu les superpositions d'états, et on interprète ce résultat comme l'existence de deux bases d'états de quarks : une base définie par les états propres de masse (les quarks d, s et b ont chacun une masse bien définie) et une autre base définie par l'interaction faible. Une matrice à trois lignes et trois colonnes, appelée matrice CKM (pour Cabibbo-Kobayashi-Maskawa, les trois théoriciens qui ont proposé cette interprétation) relie ces deux bases, de la même façon qu'une matrice de rotation relie deux bases de vecteur de l'espace à trois dimensions. L'analyse de nombreuses expériences a permis de déterminer cette matrice avec une précision relativement satisfaisante sans qu’on puisse expliquer exactement pourquoi ses éléments ont les valeurs mesurées expérimentalement.
Il est naturel de penser que les neutrinos jouissent de propriétés similaires et qu'il existe une matrice de mélange (appelée PMNS pour Pontecorvo-Maki-Nakagawa-Sakata) reliant les états propres de masse du neutrino aux états produits par les désintégrations nucléaires. Déterminer la valeur numérique des éléments de cette matrice est un défi qui nécessite de nombreux efforts expérimentaux. Pour le relever, les physiciens se sont groupés en plusieurs grandes collaborations internationales afin de construire des ensembles de détection dédiés à l'étude des oscillations de neutrinos. L'un des schémas privilégiés est l'utilisation d'un faisceau de neutrinos fabriqué dans un accélérateur de particules dont on détermine aussi précisément que possible les caractéristiques dans deux détecteurs distants de plusieurs centaines de kilomètres. Ainsi, l'expérience DUNE (pour Deep Underground Neutrino Experiment) dirige un intense faisceau de neutrinos muoniques produits[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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