NÉVROSE (histoire du concept)
Le terme de névrose – en anglais, neurosis – aurait été introduit, selon J. Laplanche et J.-B. Pontalis, par un médecin écossais, William Cullen, dans un traité de médecine paru en 1777. Ce mot a connu, depuis, une indiscutable fortune. Représentant un concept important dans le système nosologique psychiatrique, il a été rapidement emprunté tant par la langue littéraire que par l'usage courant. Le sens qui lui est alors attribué reflète les définitions théoriques souvent anciennes, non sans quelque élaboration particulière.
Pendant longtemps, on appela « névroses », en clinique médicale, un certain nombre de maladies du corps et de l'esprit ayant comme caractères communs leur nature fonctionnelle, l'absence de toute lésion organique connue et le dérèglement de l'activité nerveuse qui paraissait s'y attacher, sans que pour autant le patient donnât l'impression d'avoir perdu la raison. Bien que longtemps malaisée à systématiser, la participation psychique était décrite par les auteurs anciens comme une curiosité naturelle pleine de pittoresque et d'étrangeté.
Dans l'histoire des maladies, cette catégorie servit autrefois de zone d'attente, se définissant de façon plus négative que positive. On y rangea longtemps des syndromes correspondant à des affections mal connues, tant que les progrès de la méthode anatomoclinique n'en avaient pas fait connaître le substrat anatomopathologique, tant que leur physiopathologie restait mystérieuse. C'est ainsi que dans le traité de Gilbert Ballet, ouvrage classique de la fin du xixe siècle, sont décrits dans le chapitre des névroses, entre autres, la maladie de Parkinson, l'épilepsie, les troubles mentaux des chorées.
Les progrès de la médecine entraînèrent une réaction vive, qu'on peut facilement comprendre, mais qui dépassa quelque peu le souci légitime d'instaurer un ordre scientifique dans un domaine où le souvenir du mesmérisme était encore vivace. On jugea, à tort, peu scientifique de s'intéresser au sens qu'un trouble fonctionnel pouvait prendre pour le sujet. L'hystérie, qui fut l'objet d'un grand intérêt du temps de Charcot, devint de plus en plus synonyme de supercherie et de simulation, sans que l'état mental du sujet parût digne d'être étudié.
Quelques médecins refusèrent de se laisser entraîner dans cette méconnaissance de l'aspect psychique des névroses. L'œuvre de Pierre Janet doit être citée ici. Sa description des névroses, divisée en deux groupes nosologiques, l'hystérie et la psychasthénie, a été largement reprise par beaucoup d'auteurs contemporains. L'introduction d'une dimension dynamique en psychopathologie n'est pas le moindre mérite de Janet. Il comprit le rôle de l'oubli de certains souvenirs dans la pathogénie de l'hystérie et fut l'un des premiers à utiliser la référence évolutive dans la compréhension des maladies mentales.
Mais c'est indiscutablement Sigmund Freud qui élabora une théorie des névroses, permettant à la fois une compréhension des phénomènes observés, une description et une classification cohérentes, ainsi qu'une stratégie et une tactique dans la thérapeutique des névroses. Il en découla non seulement de nouvelles possibilités d'action sur le fonctionnement mental des malades, mais aussi un enrichissement progressif des connaissances en ce domaine difficile.
Le point de départ de Freud fut la compréhension du rôle des symptômes dans l'économie psychique, ce qui entraîna l'élaboration du concept d'inconscient, concept dont Pierre Janet avait entrevu la nécessité sans en reconnaître la valeur en tant qu'instrument de connaissance. Complétée par l'étude de l'interprétation des rêves, cette démarche conduisit à mettre en évidence[...]
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Écrit par
- René DIATKINE : psychiatre, psychanalyste
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