NEW AGE
De nouveaux syncrétismes
Il convient, dès lors, de porter sur le monde un regard libéré de la perspective trop analytique du rationalisme. « Tout est dans Tout », l'expression a été répétée jusqu'au galvaudage : le principe holiste, une antienne essentielle au nouvel âge, unit ce qui est apparemment contradictoire. Il s'agit dès lors de découvrir la complémentarité dans l'unité. Une erreur grave consiste à séparer l'esprit de la matière. Au nom de ces principes, les tenants du nouvel âge réclament un changement de paradigme : selon eux, le modèle opératoire du matérialisme et du mécanisme et les représentations du monde qui en sont issues ont suffisamment fourvoyé les hommes.
Le primat de l'esprit sur la matière étant posé a priori, les phénomènes ne seront plus ramenés à leurs apparentes causes matérielles. Les valeurs seront morales et spirituelles, l'esprit sera libéré et l'amour régira les rapports humains. Le nouvel âge étaie ses convictions sur les débats que traverse la science : dans la Californie des années 1960, les animateurs de la gnose de Princeton réclamaient eux aussi, haut et fort, un changement de paradigme scientifique. Les psychothérapeutes voisins de l'institut Esalen lançaient, quant à eux, la psychologie humaniste qui allait devenir la psychologie transpersonnelle, dont le champ de recherche s'étend jusqu'au parapsychologique et au spirituel.
Dans cette optique, on comprend que le nouvel âge s'intéresse également de près à Jung ou à Reich. Les questionnements sur le morcellement du savoir qui agitent, notamment, les astrophysiciens, les interrogations induites en médecine pour une appréhension plus globale des phénomènes sont précieusement recueillis (avec ou sans l'accord des savants concernés) et intégrés aux démonstrations du nouvel âge.
L'esprit cosmique anime, bien sûr, les astres autant que les hommes ou la matière. On comprend ainsi l'attention toute particulière que porte le nouvel âge à l'astrologie. Des emprunts sont également faits aux religions de l'Inde : l'esprit se réincarne successivement dans des corps différents. Contrairement aux Indiens qui vivent l'angoisse de la prochaine réincarnation, les tenants du nouvel âge, suivant en cela les ésotéristes occidentaux, considèrent que le cycle des réincarnations est ascendant : de réincarnation en réincarnation s'opère une purification. Le chamanisme et les expériences que connurent initiés et mystiques (chrétiens, bouddhistes ou soufis) tiennent une part importante dans bon nombre des groupes qui constituent la nébuleuse du nouvel âge. Le spiritisme (rebaptisé channelling), avec tout son appareil de tarots et de pendules, occupe également une bonne place puisqu'il permet de communiquer avec l'esprit des choses invisibles. Fort de toutes ces croyances, le nouvel âge connaît un véritable engouement pour les expériences de « transformation de la conscience », de « passage à l'expérience intérieure », voire pour les voyages « extra-corporels ».
Prise de drogues, dans la droite lignée de Carlos Castaneda, en vue de transformer ses perceptions, hypnose, relaxologie, autosuggestion, et tout l'arsenal dérivé de la psychologie – « remémorisation » en séances de groupe de l'instant de sa naissance (rebirth), programmation neuro-linguistique, etc. –, le catalogue des pratiques du nouvel âge est abondamment fourni. La science apporte parfois son aide, des réalités virtuelles aux lunettes de relaxation, qui favorisent la production d'ondes alpha dans le cerveau, en passant par les cassettes de musique subliminale et tous les gadgets électroniques censés capter l'énergie positive. Au rayon médecine, l'allopathie est largement décriée : il importe de soigner le corps dans sa globalité. Acupuncture ou tai-chi-chuan chinois,[...]
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Écrit par
- Thierry KUBLER : journaliste, écrivain
Classification
Média