Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NEWSPACE

Article modifié le

Vers une pollution et une surpopulation critique en orbite

Les constellations offrent donc des perspectives très intéressantes dans de nombreux domaines à la fois commerciaux mais aussi stratégiques ; elles sont un enjeu de souveraineté. Au vu du rythme des lancements, cela ne va pas sans effets secondaires potentiellement très préoccupants. Un rapport du GAO (Government Accounting Office, organisme d’audit du Congrès américain), de septembre 2022, et celui de l’Académie des sciences, publié en mars 2024, alertent sur ces effets. La première incidence est la conséquence de cette croissance sur l’environnement. Elle n’est pas quantifiée, mais la centaine de lancements annuels génère son lot de polluants au sol ou dans la haute atmosphère. Les émissions de dioxyde de carbone ou de vapeur d’eau sont bien inférieures à celles du secteur aéronautique mais d’autres espèces chimiques sont injectées dans la haute atmosphère, comme l’acide chlorhydrique, des particules d’alumine et des particules de suie (dites black carbon) avec une efficacité 10 000 fois plus grande que celle des moteurs d’avion pour ces dernières. Ces particules et ces gaz entrent dans le bilan énergétique terrestre et doivent donc être pris en compte. Par ailleurs, ces composés sont émis à très haute altitude, là où l’atmosphère est très peu dense, ils peuvent, par conséquent, y résider sur des temps longs avec des effets sur le climat ou encore sur la couche d’ozone qui restent à étudier.

Un autre effet secondaire de l’accroissement du nombre de lancements et de satellites est, par ricochet, l’augmentation des débris spatiaux en orbite basse. C’est un danger potentiel pour les satellites et les lanceurs eux-mêmes compte tenu des importantes vitesses relatives en jeu, de l’ordre de plusieurs kilomètres voire de dizaines de kilomètres par seconde. C’est aussi un danger pour toute présence humaine. L’ISS est par exemple contrainte de changer d’orbite régulièrement pour éviter les débris identifiés et suivis depuis le sol. Il arrive cependant que des débris ne soient pas repérés et causent des dommages à la station. En 2021, par exemple, un débris a endommagé le bras articulé de l’ISS, créant un trou de 5 millimètres de diamètre. Cet incident aurait pu être fatal à un astronaute s’il s’était produit lors d’une sortie extravéhiculaire. Les débris sont détectés et suivis par la NASA (NASA Orbital Debris Program) et l’ESA (ESA Space Debris Office). Quelque 30 000 débris de 10 centimètres ou plus ont déjà été répertoriés. Ce nombre atteint environ 1 million pour les débris de taille comprise entre 1 et 10 centimètres et la centaine de millions pour ceux de taille entre 1 millimètre et 1 centimètre.

Ces chiffres colossaux permettent aisément de comprendre pourquoi les satellites des constellations sont contraints de corriger régulièrement leurs trajectoires pour ne pas être endommagés. Les éphémérides (tables des positions d’un satellite dans son orbite à intervalles réguliers) de satellites sont par conséquent moins précises, ce qui diminue la capacité de prévenir les collisions. La situation est d’autant plus préoccupante que le nombre de satellites en orbite basse ne cesse de croître. Leur densité devient telle que la perspective de la réalisation du syndrome de Kessler ne peut plus être écartée à terme. Ce scénario, imaginé en 1978 par Donald J. Kessler, alors consultant pour la NASA, est le suivant : passée une densité critique, une collision entre deux satellites déclenchera une réaction en chaîne incontrôlable conduisant à la production importante de débris puis à la destruction d’un grand nombre de satellites et à l’impossibilité, au moins temporaire, de procéder à de nouveaux lancements sans risques, y compris de missions spatiales à but scientifique. Il n’existe pas d’estimation précise de cette densité[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : astronome à l'Observatoire de Paris, membre de l'Académie des sciences

Classification

Médias

Atterrissage de deux propulseurs d’appoint d’une fusée Falcon Heavy (SpaceX) - crédits : SpaceX/ Science Collection/ Alamy/ Hemis

Atterrissage de deux propulseurs d’appoint d’une fusée Falcon Heavy (SpaceX)

Classification des différentes altitudes d’orbites terrestres - crédits : Encyclopædia Universalis France

Classification des différentes altitudes d’orbites terrestres

Satellites de Starlink, fournisseur d’accès à Internet par satellite - crédits : https://satellitemap.space

Satellites de Starlink, fournisseur d’accès à Internet par satellite