ZABALETA NICANOR (1907-1993)
Il était à la harpe ce qu'Andrés Segovia était à la guitare. Mais l'Espagnol Nicanor Zabaleta était en outre l'un des rares hommes à avoir fait carrière avec un instrument réservé, par tradition, aux femmes.
Fils du peintre Pedro Zabaleta, Nicanor naît à Saint-Sébastien, le 7 janvier 1907. À l'âge de sept ans, son père lui offre une petite harpe qui va jouer un rôle décisif dans sa vie. Il étudie d'abord au conservatoire de sa ville natale, puis à celui de Madrid, où il obtient son diplôme en 1920, avant d'aller travailler au Conservatoire de Paris avec Marcel Tournier, en 1923. Il y étudie également la composition avec Eugène Cools et la direction d'orchestre. Il donne son premier concert à Paris en 1926 puis passe quelques années à Bilbao. En 1933, il entreprend une tournée aux États-Unis, où la harpe était considérée comme un instrument d'orchestre réservé aux femmes. Il donne pourtant plusieurs récitals dans une petite salle new-yorkaise et remporte un succès qui lui permet d'entreprendre une tournée en Amérique latine. Rapidement, il s'impose comme le chantre de la harpe, qu'il débarrasse, au même titre que Lily Laskine, de son image d'instrument de salon et qu'il hisse au rang d'instrument soliste. Il enseigne l'été à l'Accademia Chigiana de Sienne (1959-1962) et à Saint-Jacques-de-Compostelle. Pour se constituer un répertoire, il tire de l'oubli des œuvres originales des xvie et xviie siècles espagnols, exhume des concertos classiques allemands (Wagenseil, Albrechtsberger, Dittersdorf), réalise de nombreux arrangements de pièces pour luth ou pour guitare et commande des partitions nouvelles à des compositeurs contemporains. En 1956, il remporte le prix Hariett-Cohen à Londres. Dès 1957, il commence à enregistrer pour la Deutsche Grammophon. En 1988, il est nommé membre de l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando, à Madrid. Une étonnante longévité lui permet de jouer jusqu'à un âge avancé : il donne son dernier concert à Madrid, en juin 1992, et meurt à Porto Rico le 1er avril 1993.
Zabaleta a toujours possédé une technique remarquable, et la collaboration qu'il a entretenue avec de nombreux compositeurs contemporains a fait évoluer sensiblement les possibilités de la harpe. Parmi les œuvres écrites à son intention, les concertos d'Heitor Villa-Lobos (1954), de Joaquín Rodrigo (1955) et d'Alberto Ginastera (1965) sont entrés au répertoire. Mais il a également créé ceux de Jean-Michel Damase (1951) et de Darius Milhaud (1954), le Capriccio pour harpe et orchestre à cordes de Walter Piston (1963), le Concertino « Autumn » de Virgil Thomson (1964), ainsi que les sonates de Germaine Tailleferre (1953), Alan Hovhaness (1955), Ernst Krenek (1956) et la Partita de Salvador Bacarisse (1954). Rodrigo a réalisé à son intention un arrangement de son Concierto de Aranjuez. Homme de grand raffinement, sa démarche musicale s'adaptait aussi bien au classicisme allemand qu'au Siècle d'or espagnol ou à la musique française. Son instrument avait été fabriqué à son intention par le facteur Joseph Obermayer.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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