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NIÉPCE NICÉPHORE (1765-1833)

Il n'est pas rare que des querelles d'antériorité, concernant des découvertes anciennes, finissent par rendre impossible ou oiseuse l'attribution de celles-ci. Il n'est pas rare non plus qu'un filou « exploite » la trouvaille d'autrui et tente de s'en faire passer pour l'inventeur : l'histoire des sciences parvient généralement à le démasquer. Mais qu'un inventeur quelque peu chimérique voie sa création reprise, mise sous le boisseau puis confondue avec celle d'autrui, cet autrui étant lui-même un expérimentateur de valeur (et même un créateur), doublé il est vrai d'un homme d'affaires, voilà qui n'est pas fréquent. Tel fut le sort de Nicéphore Niépce, le véritable inventeur de la photographie.

Son enfance est marquée par un goût précoce pour la mécanique, goût qu'il partage avec son inséparable frère Claude. La paisible vie bourgeoise des deux jeunes gens, dans la maison familiale de Chalon-sur-Saône, est bouleversée par la Révolution. En 1794, les deux frères sont à Nice : Nicéphore y met au point et fait breveter une machine, le Pyréolophore, ancêtre du moteur à explosion, avec laquelle il fera mouvoir deux bateaux. En 1804, c'est le retour dans le domaine familial du Gras, à Saint-Loup-de-Varennes ; il y expérimente la culture du pastel et l'extraction du sucre de betterave. Dès 1813 il s'intéresse à la lithographie, introduite en France depuis une dizaine d'années mais pas encore à la mode. Ici se place sa première intuition : employer pour la reproduction des gravures (qui est alors la raison d'être de la lithographie) un vernis qui puisse servir de réserve contre l'action de l'acide, puis faire agir la lumière sur ce vernis à travers la gravure à copier. Grâce à une chambre noire dont il règle à volonté l'ouverture par un « diaphragme » de son invention, ancêtre du « diaphragme à iris » promis à un bel avenir, Niépce transpose des gravures sur le papier, sur le verre, sur l'étain émulsionné. En même temps il tâtonne à la recherche du meilleur vernis. En 1816, il peut envoyer à son frère (parti faire des démarches commerciales en Angleterre) deux « épreuves » sur papier imprégné de chlorure d'argent. Comme il l'avait prévu, les fonds sont plus sombres que les « objets », et il songe déjà à inverser l'effet de lumière, bref à obtenir ce que nous appellerions des « positifs directs ».

Paysage à Saint-Loup-de-Varennes, N. Niépce - crédits : Joseph Niepce/ Getty Images

Paysage à Saint-Loup-de-Varennes, N. Niépce

Vers cette date, Niépce fait le pas décisif : il s'agit désormais de fixer la réalité elle-même, avec « l'aide directe de la lumière ». Sa formule finale de vernis est aussi trouvée. C'est du bitume de Judée dissous dans l'huile de Dnippel, ou pétrole blanc. Après une exposition de deux à trois heures, le lavage du cliché avec un mélange de pétrole blanc et d'huile de lavande le débarrasse du bitume. En 1822, ce procédé, qu'il ne sait pas encore abréger, lui donne la première photographie du monde : c'était une « nature morte », une table, une nappe et quelques fruits. Tiré sur une plaque de verre, ce cliché est aujourd'hui perdu ! Nous le connaissons par un fac-similé qu'en fit exécuter, avant 1890, date de sa disparition, la Société française de photographie. On a contesté à tort l'attribution de cette image à Niépce. La question ne s'est même pas posée pour une autre « épreuve », tirée en 1827 sur plaque d'étain, elle aussi « perdue » et retrouvée après une véritable enquête policière, en 1952, par l'historien de la photographie Helmut Gernsheim. Assez peu lisible, elle représente une maison vue d'une fenêtre, et son authenticité est attestée par la correspondance de Niépce.

Ses travaux avaient très gravement ébréché son patrimoine. Encore une fois Nicéphore dépêche Claude[...]

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Paysage à Saint-Loup-de-Varennes, N. Niépce - crédits : Joseph Niepce/ Getty Images

Paysage à Saint-Loup-de-Varennes, N. Niépce

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