GRUNDTVIG NICOLAI FREDERIK SEVERIN (1783-1872)
Pasteur, écrivain et savant danois, Nicolai Grundtvig a dit de lui-même qu'il était mi-poète, mi-rat de bibliothèque. Chez lui vont remarquablement de pair la création poétique et une érudition qui embrasse la théologie, l'histoire et les langues anciennes. Mais à travers l'ensemble passe une force spirituelle sans égale. Marqué par les philosophes allemands Fichte et Schelling, de même que par la poésie du Danois A. G. Oehlenschläger, il s'appropria la notion d'éternité propre au romantisme germanique et s'en servit pour la mythologie nordique.
Homme d'Église, sa profession de foi fait sauter les frontières des Églises ; universitaire, il conteste l'Université avec une lucidité prospective qui l'apparente aux novateurs contemporains. Mais son optique demeura toujours positive et constructive, et, sans désespérer de l'école ni de la religion, il les engagea résolument sur la voie de leurs mutations nécessaires.
Poésie et mythologie
Au cours de sa longue vie – né en 1783 à Udby, il mourut à Copenhague en 1872 –, Nicolai Grundtvig a traversé presque un siècle de vie spirituelle au Danemark. Il a d'abord été enfant du xviiie siècle, dont le goût marque ses premières lectures et ses premières options en matière religieuse. Il entreprit ses études « sans esprit et sans foi », pour reprendre ses propres termes, et, même devenu licencié en théologie en 1803, il n'avait pas de vision bien arrêtée de la vie. Mélancolie et angoisse se partageaient son âme. Puis il devint précepteur au château d'Egeløkke, dans l'île de Langeland, où il s'éprit de la mère de son élève, Constance Leth. La grande passion malheureuse, la crise de Werther, fut, pour beaucoup de grands hommes autour de 1800, un éveil à une véritable vie spirituelle. Pour Grundtvig, cette passion contrariée eut pour effet de le libérer de la tradition du siècle passé et de lui insuffler l'évangile du romantisme germano-danois.
Il interprète et transforme les mythes dans un esprit philosophique, comme l'avaient fait Platon et surtout Plotin, et voit dans les célèbres poèmes de l' Edda un drame universel. L'absolu s'y appelle Alfader (Allfadir, le Père universel). De la matière inerte proviennent les divinités mauvaises, les géants ; pour les exterminer, Alfader disposait des bonnes divinités, les Ases. Mais, par présomption, les Ases se libérèrent de l'autorité d'Alfader, ce qui amena les Nornes, déesses du Destin, à anéantir les uns et les autres dans le Ragnarok, derrière lequel apparaissait un jour nouveau et éternel. Grundtvig présente cette interprétation visionnaire dans La Mythologie du Nord (Nordens Mytologi, 1808). Dans des écrits poétiques, il représentait la croyance aux Ases et le christianisme comme deux formes différentes d'une même religion universelle : Odin et le Christ sont tous deux fils d'Alfader. En 1810, Grundtvig traversa une profonde crise religieuse d'où il sortit résolument chrétien, avec la conviction que la Bible était le fondement de la foi.
Son père était pasteur ; Grundtvig devint alors son vicaire. Avec haine, il se retourna contre la philosophie romantique de la nature qui supprimait l'image d'un Dieu personnel et qui faisait voisiner côte à côte Bien et Mal comme un couple de contraires également nécessaires. Herder, Schiller et le romantisme avaient appris à Grundtvig qu'il y avait une continuité de l'histoire dans laquelle se développe l'idée universelle. Après son réveil spirituel, il voit en Dieu l'expression de cette continuité, et dans son Précis de l'histoire universelle (Kort Begreb af Verdens Krønike i Sammenhaeng, 1812), l'Histoire est la voie de Dieu. En 1810, Grundtvig avait provoqué le clergé par son sermon « probatoire » Pourquoi la parole du[...]
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Écrit par
- Frederik Julius BILLESKOV-JANSEN : professeur à l'université de Copenhague (Danemark)
Classification
Autres références
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