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NICOLAS DE STAËL (exposition)

La couleur rythmée

Cette rétrospective arrive vingt ans après celle que le Centre Georges-Pompidou consacra à Staël. Elle s’inscrit dans le mouvement plus large d’une relecture de l’art en France initiée par le directeur du musée, Fabrice Hergott, après les expositions consacrées entre autres à Bernard Buffet, Zao Wou-Ki ou Anna-Eva Bergman. Réunissant pas moins de deux cents œuvres (tableaux, dessins, gravures et carnets), pour certaines jamais exposées, elle adopte un parcours assez classiquement chronologique, ce qui est plutôt bienvenu dans le cadre d’une rétrospective, d’autant que la grande salle incurvée du Musée d’art moderne s’avère difficile à investir autrement.

Nicolas de Staël est-il abstrait ou figuratif ? À l’instar d’autres créateurs de l’époque comme Jean Hélion en France ou Philip Guston aux États-Unis, il a toujours considéré ces catégorisations comme éminemment réductrices. Il demandait même aux conservateurs de musée d’accrocher ses œuvres à l’écart de celles de ses contemporains, bien qu’il entretînt des rapports d’amitié avec certains d’entre eux. Si l’on passe sur les œuvres de jeunesse, le Staël qu’on connaît émerge vers le milieu des années 1940, lorsqu’il expose à la galerie Jeanne Bucher. C’est donc un œuvre court, une dizaine d’années tout au plus, mais fulgurant. Les tableaux de la fin des années 1940, comme l’Hommage à Piranese(1948), sont caractérisés par un dense enchevêtrement de lignes. Peu à peu, ce réseau se relâche pour céder la place à des rectangles ou triangles plus ou moins colorés et agencés comme pour composer des vitraux. Au printemps 1951, l’artiste visite au Musée des monuments français une exposition consacrée aux mosaïques de Ravenne. Il est possible que les compositions en tesselles que Staël réalise peu après en soient la conséquence directe. Puis viennent les paysages aux ciels froids, qui rappellent les plages de la mer du Nord. Les tableaux les plus émouvants sont ceux qu’on dira plus figuratifs, peints à la fin de sa vie, comme le portrait de sa fille Anne de 1953, les Deux vases de fleurs de la même année ou les tableaux siciliens réalisés en 1954 à la suite d’un voyage en Sicile, autant d’œuvres où Staël parvient à atteindre cette « simplicité » qu’il a recherchée toute sa vie durant. Est-il mort de l’avoir trouvée ? Ou par déception amoureuse ? Le mystère demeure.

Néanmoins, cette rétrospective constitue une réelle redécouverte et elle ouvre des portes. À bien lire la biographie de l’artiste, on s’aperçoit que la musique y fut omniprésente. Staël fréquente dès 1951 les soirées du Domaine musical, tout comme il assiste en 1952 à la représentation des Indes galantes de Rameau à l’Opéra-Garnier, dont deux toiles de 1953 gardent trace. Il y a aussi ce projet avorté d’un ballet avec René Char, avec qui il publie cependant un livre illustré, Poèmes, présenté à la galerie Jacques Dubourg en 1951. Cette dimension musicale est une piste à suivre, les tableaux exhalant une mélopée bien vivante. Près de soixante-dix ans après la mort de l’artiste, l’œuvre s’éclaire aussi de la publication des Lettres 1926-1955 (Le bruit du temps, 2016) et, dans le catalogue de l’exposition, de celle du « Journal des années Staël 1945-1955 » du poète et éditeur Pierre Lecuire.

— Richard LEYDIER

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