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STAËL NICOLAS DE (1914-1955)

Figures et lumière

Le retour à la figuration – qu'il avait pratiquée au tout début de sa carrière – se manifeste d'abord discrètement par l'introduction de la ligne d'horizon dans Les Toits de 1952 (Musée national d'art moderne – Centre Georges-Pompidou, Paris), dans lesquels les larges pavés de naguère se rapprochent des tesselles de mosaïque. La même année, Staël réalise sur le motif, vers Mantes et Chevreuse, de petits paysages sur carton qui se caractérisent par un horizon bas et des aplats de couleurs mouillées et subtiles qui ne sont pas sans évoquer la peinture impressionniste quand celle-ci saisit l'atmosphère propre au nord.

Les paysages conduisent aux natures mortes, les pavés et les aplats aux pommes et aux bouteilles, selon une évolution où la forme abstraite se voit de plus en plus indexée sur un élément du réel. Le Parc des Princes (1952, coll. part.), large de sept mètres carrés, est le point d'orgue de ce cheminement qui conduit l'abstraction à s'animer de silhouettes vivantes. Le spectacle, et notamment le spectacle musical (par exemple à travers le jazz, Rameau, mais aussi le Domaine musical), devient une source d'inspiration féconde pour Staël qui, dans de vastes toiles, cherche à en recréer le mouvement, les masses et les accords.

La redécouverte du Midi, en 1951-1952, est aussi celle de la fulgurance de la lumière dont le peintre perçoit la puissance de destruction des formes. C'est alors que la peinture de Staël devient clairement figurative – notamment avec les paysages d'Agrigente nés d'un voyage en Sicile en 1953 –, comme s'il s'agissait de résister au risque de l'anéantissement. C'est avec et contre la lumière que le peintre, désormais, mène son combat. Sa palette délaisse alors les tons sourds pour des accords plus vifs.

Sa rencontre en 1953 avec Jeanne Mathieu, qui devient son modèle, accentue chez lui ce désir de prendre possession du monde visible. Paradoxalement, sa peinture devient de plus en plus fine, comme si, à mesure que le peintre retraçait le contour des choses (les dernières œuvres sont des vues de l'atelier et des marines), celles-ci gagnaient en fragilité.

Une telle évolution, extrêmement singulière à cette époque, est alors mal perçue par le public. Lorsque Nicolas de Staël met fin à ses jours en mars 1955, ce sont avant tout les compositions abstraites des années 1949-1950 qui connaissent, parmi les artistes, une immédiate postérité.

— Anne MALHERBE

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Écrit par

  • : normalienne, auteur d'une thèse de doctorat sur le matiérisme dans l'art de l'après-guerre à Paris, critique d'art indépendant

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  • NICOLAS DE STAËL (exposition)

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