LANCRET NICOLAS (1690-1743)
Une formation traditionnelle — apprentissage de la gravure, enseignement de d'Ulin, professeur à l'Académie, puis fréquentation de l'école de l'Académie, où il se fait suspendre pour indiscipline — aurait dû amener Lancret à devenir peintre d'histoire. Mais il découvre l'art de Watteau, peut-être à l'occasion de l'agrément de celui-ci à l'Académie en 1712, et soit par séduction, soit par opportunisme (son biographe, Ballot de Sovot, souligne que « le public goutoit fort » ce genre), Lancret décide de devenir peintre de fête galante. Il est alors élève de Gillot, comme l'a été Watteau, puis celui de Watteau lui-même, dont l'enseignement se borne, semble-t-il, à lui conseiller de travailler d'après la nature, de dessiner des paysages aux environs de Paris et d'y intégrer des figures dont l'invention, il est vrai, doit tout à ce maître. Agréé à l'Académie en 1718 (un an après que Watteau y eut été reçu avec son Pèlerinage à l'île de Cythère), Lancret y est reçu en 1719 avec une Fête galante, catégorie reconnue officiellement depuis peu. Il est ainsi le premier des « satellites » de Watteau, de ceux qui ont diffusé, avec un bonheur inégal, un esprit et des sujets nouveaux dans la peinture.
Il est certain que sans l'influence, aussi bien formelle que d'invention de Watteau, l'art de Lancret, peintre et dessinateur, ne saurait se comprendre. Cela est si vrai que ses premiers clients sont ceux-là mêmes qui ont compris l'apport de Watteau : Jullienne, Leriget de La Faye, la comtesse de Verrue ou Quentin de Lorangère ; plus tard, le roi de Prusse Frédéric II accrochera aux murs de Sans Souci des tableaux de Lancret à côté de ses Watteau.
Pourtant, Lancret bénéficie d'avantages qui ont manqué à la carrière de Watteau. Il expose des toiles place Dauphine en 1722, 1723, 1724, puis au Salon entre 1737 et 1742, de telle sorte que le public peut apprécier ses œuvres, par ailleurs diffusées par la gravure dès 1728. À leur propos, on se plaît à répéter qu'elles sont « dans le goût de Watteau ». De surcroît, il a très tôt des commandes officielles : dès 1725, une scène pittoresque et grotesque, l'embourbement des dames de la reine près de Montereau, puis, entre 1735 et 1743, alors qu'il a été nommé conseiller de l'Académie, des peintures pour les petits appartements de Versailles (Le Déjeuner de jambon, la Chasse au léopard, mais aussi des pastorales et des dessus-de-porte), des tableaux pour Fontainebleau, pour La Muette, pour les appartements de la duchesse de Châteauroux à Versailles.
Il épouse à cinquante ans une jeune femme qui lui survivra près de quarante ans ; à la mort de celle-ci, en 1781, on mettra en vente sa collection, particulièrement intéressante en ce qui concerne les œuvres du peintre, et notamment ses dessins, au nombre d'un millier. Ce chiffre, illustré par les très nombreuses feuilles qui nous sont parvenues, comme par le témoignage des contemporains, éclaire la méthode de Lancret, ses études de détail qu'il reprend dans ses peintures, sa recherche incessante du modèle juste, qu'il s'agisse d'académies, d'études d'arbres ou de draperies, de silhouettes ou de poses. Mariette lui reprochera pourtant ses ouvrages faits « de pratique », sans se référer à la nature, critique qui s'applique à une production considérable et quelque peu répétitive. Si le Mercure souligne son talent, « surtout pour les sujets de bals et fêtes galantes et champêtres », on peut dire que Lancret étend ce « genre » à toute sa peinture, qui reste essentiellement décorative. Ainsi multiplie-t-il les séries de Saisons, Heures du jour, Âges de la vie, Jeux ou Éléments illustrées par de jeunes bergers, souvent destinées à orner des dessus-de-porte ou[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marianne ROLAND MICHEL : docteure en histoire de l'art, directrice de la galerie Cailleux, Paris
Classification
Médias
Autres références
-
WATTEAU ANTOINE (1684-1721)
- Écrit par Marianne ROLAND MICHEL
- 5 599 mots
- 9 médias
...inventions poétiques, la grâce de ses personnages, et sont responsables du succès et de la diffusion de la fête galante. Watteau n'avait eu que deux élèves : Nicolas Lancret (1690-1743), avec qui il devait se fâcher, et Jean-Baptiste Pater (1695-1736), originaire de Valenciennes, rapidement renvoyé par son...