LÉMERY NICOLAS (1645-1715)
Chimiste et apothicaire de métier, devenu tardivement médecin, le Français Nicolas Lémery a marqué l’histoire de la chimie pour avoir tenté d’appliquer une approche corpusculaire (la théorie corpusculaire soutient que la matière est composée de petites particules dont la forme est responsable des propriétés physiques et chimiques de la substance) à cette science alors balbutiante. Le livre qu’il a publié en 1675, le Cours de chymie, devenu un classique de la littérature scientifique, connut dès sa sortie un succès considérable et fut régulièrement réédité jusqu’au milieu du xviiie siècle.
Nicolas Lémery naît le 17 novembre 1645 dans une famille bourgeoise protestante de notables de Rouen. Après la mort de son père, il est engagé en 1660 comme apprenti chez un apothicaire de la ville. Lors de son compagnonnage, Lémery vient à Paris où il travaille dans l’officine de Christophe Glaser, célèbre apothicaire et auteur en 1663 d’un Traité de la chymie dont Lémery reprendra de nombreuses préparations dans son ouvrage de 1675. Après quelques années passées à Montpellier, Lémery s’installe à Paris, rue Galande, où il ouvre sa propre officine en 1674. Il poursuit une carrière plutôt réussie d’apothicaire et d’enseignant en chimie, même si son avenir est un temps menacé par les tensions religieuses en France. En effet, en 1683, il est obligé de céder son officine et de s’exiler brièvement en Angleterre, une période de sa vie pendant laquelle il devient médecin. En 1686, à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, Lémery renonce finalement au protestantisme et peut, par conséquent, reprendre ses affaires à Paris. Le succès de ses ouvrages et son réseau d’hommes d’influence en France et à l’étranger lui ont permis de profiter d’une très belle carrière scientifique et médicale. Élu membre de l’Académie des sciences en 1699, il poursuit une activité soutenue en chimie et en pharmacie jusqu’à sa mort, survenue le 19 juin 1715, à Paris.
Inspiré par René Descartes, Pierre Gassendi et surtout Robert Boyle, Nicolas Lémery s’est efforcé d’appliquer la théorie corpusculaire afin d’expliquer les réactions chimiques. Il est allé plus loin que l’argument simpliste, assez répandu à l’époque, selon lequel les acides piquent parce qu’ils sont constitués de corpuscules pointus. Il explique les réactions chimiques par la forme des corpuscules qui constituent les différents produits chimiques et leurs interactions par des mécanismes de contact direct. Il évite ainsi d’en appeler aux propriétés mystérieuses d’affinité ou d’autres types d’action à distance. Les explications qu’il donne des réactions entre les acides et les alcalins, en termes de « pointes » pour les premiers et de « pores » pour les seconds (les alcalins sont alors vus comme complémentaires des acides, les deux réagissant ensemble pour produire des sels), sont ingénieuses même si elles n’expliquent qu’un nombre limité de phénomènes chimiques. Un examen plus approfondi de son Cours de chymie révèle qu’il est constitué en grande majorité de recettes destinées à la préparation des médicaments avec des instructions concernant leur utilisation, des informations pratiques qui ont largement contribué à son succès. Ainsi Lémery fait partie de cette tradition de chimistes apothicaires qui ont participé à l’essor de la science chimique aux xviie et xviiie siècles en France.
Restant néanmoins apothicaire, Nicolas Lémery publie une Pharmacopée universelle en 1697 et un Dictionnaire universel des drogues simples en 1698. Ces deux ouvrages, qui regroupent un nombre considérable de préparations pharmaceutiques de cette époque, ont connu également un grand succès.
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Écrit par
- Jonathan SIMON : maître de conférences en histoire des sciences
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Autres références
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ORGANIQUE CHIMIE
- Écrit par Jacques METZGER et Charles PRÉVOST
- 7 017 mots
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En dehors des deux thèmes de recherche fondamentaux, la pierre philosophale et l'élixir, les alchimistes avaient réussi, grâce à des recettes plus ou moins rationnelles, à élaborer de nombreuses substances (qui sont, à quelques impuretés près, ce qu'on appelle aujourd'hui composés définis), dont quelques-unes...