ZINZENDORF NICOLAS LUDWIG comte de (1700-1760)
Le fondateur de l'Église des frères moraves tient une place considérable dans le renouveau religieux du xviiie siècle. Issu d'une famille autrichienne protestante réfugiée en Saxe, le comte de Zinzendorf est le représentant de ces grands seigneurs qui ont pris en charge les destinées du piétisme. Filleul de Spener, il est élevé dans un luthéranisme tourné vers la vie pratique, tout en conservant les principes traditionnels. À dix ans, il est envoyé au Paedagogium de Halle (1710-1716), avant de faire des études juridiques à Wittenberg (1717-1719) et une tournée en Europe qui l'incite à militer pour la réunion des confessions chrétiennes. En 1721, il devient conseiller de la justice à Dresde, mais se soucie surtout de tenir des conventicules dans sa maison. En 1724, il rassemble des piétistes et des fugitifs de l'Église des frères dans la communauté de Herrnhut, organisée comme une paroisse de l'Église luthérienne. Féodal et autoritaire, il veut en être le chef spirituel et temporel. Il reconnaît la doctrine de la justification de Luther et souligne le côté affectif et sensible de la religion. De 1727 à 1732, il entreprend une vaste mission en Allemagne. En 1734, il reçoit la consécration pastorale à Tübingen et, trois ans après, il est ordonné évêque morave. Herrnhut devient une théocratie où la masse des fidèles-vassaux est subdivisée selon leur avancement spirituel. Mais ces innovations suscitent l'hostilité des piétistes officiels, qui obtiennent son bannissement de la Saxe (1738). Il crée alors une paroisse prospère, composée de nobles et de bourgeois, dans la Wetterau, avant d'entreprendre de nombreux voyages à travers toute l'Europe, Russie comprise, et deux expéditions missionnaires en Amérique du Nord et aux Antilles. De 1743 à 1750, il reprend en main l'Église morave et tente de surmonter l'Aufklärung et le piétisme purement éthique et légaliste. Il limite le séparatisme aux communautés de la diaspora et confirme celles d'Allemagne dans l'obédience luthérienne. Mais il tire des doctrines étonnantes de ses expériences personnelles : la vision tragique de la Passion s'affadit en une image sulpicienne du culte du sang et de la plaie. La Trinité est réduite à des fantaisies. Enfin, il organise la vie quotidienne sur un calendrier des fêtes multipliées, ce qui trouble profondément l'Église des frères. De 1751 à 1755, Zinzendorf séjourne à Londres, où il joue un rôle dans la genèse du méthodisme et publie un recueil de cantiques. En 1755, il se retire à Herrnhut pour se consacrer à la pastorale. Une faillite financière est évitée de justesse, ce qui permet d'imposer une direction plus collégiale de l'Église par la création d'un synode, qui parvient à la stabiliser. Remarquable compositeur de cantiques, Zinzendorf, malgré des influences spiritualistes, est toujours demeuré proche de Luther. Il a été un novateur par la création d'églises libres, actives sur le plan diaconal et missionnaires dans une perspective œcuménique. Il a exercé une activité missionnaire pionnière, rénové la vie paroissiale et revalorisé le travail d'éducation.
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Écrit par
- Bernard VOGLER : docteur ès lettres, professeur d'histoire de l'Alsace à l'université de Strasbourg-II
Classification
Autres références
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ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne moderne et contemporaine
- Écrit par Michel EUDE et Alfred GROSSER
- 26 883 mots
- 39 médias
...orthodoxie trop rigide et de pratiques desséchantes » et insistait sur la nécessité de la conversion individuelle. À noter aussi l'action du comte de Zinzendorf (1700-1760) qui, dans ses domaines de Lusace, fonda pour l'unité des frères moraves la communauté de Herrnhut, vouée aux pratiques charitables.... -
PIÉTISME
- Écrit par Jean BAUBÉROT
- 2 445 mots
Le comte Nicolas Louis de Zinzendorf (1700-1760), filleul de Spener et ancien élève de l'école fondée par Francke à Halle, donna asile en 1722, sur ses terres de Berthelsdorf (Saxe) à un groupe de frères de l'Unité (descendants des hussites) persécutés. Ces derniers bâtirent le village de Herrnhut («...