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NABOKOV NICOLAS (1903-1978)

La musique doit parfois ses plus grandes réalisations à des hommes dont l'activité reste dans une semi-obscurité. Nicolas Nabokov en témoigne, qui a souvent délaissé sa carrière de compositeur pour se consacrer à l'animation musicale internationale, surtout après la Seconde Guerre mondiale. Il a joué un rôle prédominant dans le rapprochement et les échanges entre les diverses écoles de la musique contemporaine et a permis de faire connaître de nombreuses œuvres de notre temps en organisant des festivals d'une ampleur sans précédent (Paris, Rome, Tōkyō). Né près de Ljubtcha (district de Novgorod, Russie), Nabokov étudie d'abord à Saint-Pétersbourg et à Yalta avant de quitter son pays natal.

Stuttgart, Berlin et Strasbourg sont les étapes qui le mènent vers Paris et au cours desquelles il est profondément marqué par la personnalité et le rayonnement de l'un de ses maîtres, Ferruccio Busoni. À Paris, où il séjourne de 1924 à 1933, il complète sa formation à la Sorbonne et rencontre Diaghilev, qui monte son premier ballet, Ode : Méditations sur la majesté de Dieu (1928). Son intérêt pour la musique de ballet restera toujours très vif. En 1934, il émigre aux États-Unis, dont il deviendra citoyen en 1939. Il est rapidement appelé à enseigner dans différentes universités et, après la Seconde Guerre mondiale, il se consacre à cette mission pour la propagation de la musique, d'abord au sein des armées américaines en Europe, puis dans le cadre du Congress for Cultural Freedom dont il est secrétaire général de 1950 à 1963. Puis il assure la direction artistique des Berliner Festwochen (1963-1968) avant de se consacrer à nouveau à l'enseignement (professeur d'esthétique à l'université de l'État de New York à Buffalo, 1970-1971 ; directeur du département de la musique à l'université de New York, 1972-1973).

Si l'œuvre de Nicolas Nabokov semble masquée par son activité intense d'animateur, elle n'en est pas moins abondante et originale. De ses premiers ballets (Ode, 1928 ; Aphrodite, 1930 ; La Vie de Polichinelle, 1934) ou de son oratorioJob (une de ses pièces maîtresses, 1932) à ses deux opéras (La Mort de Raspoutine, 1958 ; Peines d'amour perdues d'après Shakespeare, 1973), sa production traduit une ouverture et un cosmopolistisme peu communs. Au sein d'un même ouvrage (La Mort de Raspoutine), il utilise avec autant d'aisance la langue sérielle et sa rigueur que les sources populaires et religieuses de la Russie et leur spontanéité, et il sait même reconstituer l'atmosphère tzigane avec une véracité étonnante. Dans d'autres œuvres, il marque un attachement profond aux préoccupations religieuses (Sinfonia biblica, 1939 ; Symphonie n0 3 « A Prayer », 1964 ; Simboli Christiani, 1953).

Nabokov a su fondre trois activités : composer, connaître et faire connaître la musique. L'ensemble de ces trois démarches, qui constitue une véritable éthique, transparaît dans l'intégralité de son œuvre.

— Alain PÂRIS

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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