LESKOV NICOLAS SEMIONOVITCH (1831-1895)
Leskov n'a pas encore la place qu'il mérite dans la littérature universelle. Par suite d'un malentendu, il fut mis en quarantaine et persécuté par les intellectuels progressistes, et les critiques de son temps firent le silence sur lui. Malgré les efforts de Gorki, qui le considérait comme un de ses maîtres et qui montra son importance, cet interdit pesa longtemps, et l'on parla rarement de Leskov en Union soviétique. Pourtant, par sa connaissance exceptionnelle de la vie russe, par la variété de ses sujets, par la richesse de sa langue, c'est un des conteurs russes les plus féconds et les plus originaux.
L'apprentissage de la vie
Leskov ne songeait pas tout d'abord à devenir un écrivain. Il s'est formé au contact de la vie et non des livres, et c'est ce qui lui donne cette vision directe et forte des êtres et des situations.
Nicolas Sémionovitch Leskov est né à Gorokhovo, dans la province d'Orel, pays natal de Tourguéniev. Son père, fils et petit-fils de prêtre, avait acquis la noblesse personnelle dans le service civil, sa mère était de petite noblesse héréditaire, sa grand-mère d'une famille de marchands. Il porte ainsi en lui l'héritage de trois castes : clergé, noblesse, négoce et sa vie commence sous le signe de la diversité. Plus que par ses parents, il fut formé par sa grand-mère maternelle qui l'emmenait en pèlerinage dans les monastères de sa province, lui contant en route les légendes et l'histoire des pays traversés. Aux relais ou dans les couvents, il écoute d'autres récits faits par les voyageurs ou les novices. La tradition orale était toujours vivace en Russie, et l'enfant fut marqué de manière ineffaçable par cet atmosphère poétique et religieuse, par cette parole, porteuse à la fois de tradition et d'invention. Il est mêlé ainsi au peuple russe, peuple courageux, généreux, très doué, étouffé par un régime trop sévère, par le servage (c'était encore le règne de Nicolas Ier), et Leskov se prend d'un grand amour pour ces humbles aux multiples visages.
En 1848, son père meurt dans une épidémie de choléra et l'adolescent se trouve, à dix-sept ans, obligé de gagner sa vie. Il travaille d'abord au bureau de recrutement de Kiev où il assiste à des scènes tragiques (le service militaire durait alors vingt-cinq ans). Il voit que la Russie souffre et se met à rêver d'une « œuvre vivante » qui soulagerait ce peuple malheureux. En 1857, il entre au service d'un oncle par alliance, l'Anglais Alexander Scott, intendant de vastes domaines, qui s'efforçait d'améliorer le sort des paysans par l'introduction de machines, d'usages nouveaux. Mais il se heurtait aux réticences, à la méfiance des moujiks. Pour ce nouveau métier, Leskov fut amené à voyager dans toute la Russie : en Sibérie, dans les steppes bachkires et tatares, dans le Sud, dans le Grand Nord. Après les petites gens de la campagne d'Orel et de la province de Kiev, c'est tout cet immense pays qui défile devant lui avec sa complexité, sa diversité de paysages, de coutumes, de types sociaux, de parlers. Leskov est particulièrement attentif au langage employé par les hommes. Pendant les années 1857-1859, il amasse ainsi une multitude d'observations, et il comprend qu'on ne peut imposer au peuple des réformes qui ne lui conviennent pas, qui heurtent trop ses habitudes ou ses croyances. Les rapports riches et pittoresques qu'il envoyait à son employeur, révélèrent ses dons d'écrivain et, en 1861, il part pour Saint-Pétersbourg tenter sa chance dans le monde des lettres. Il commence par faire du journalisme et envoie des articles à la presse sur des sujets d'actualité. C'était l'ère des réformes d'Alexandre II. Autodidacte, provincial, encore attaché à l'Église orthodoxe, Leskov se sent mal à l'aise en face des intellectuels positivistes dont les théories lui paraissent abstraites, étrangères à cette réalité russe dans laquelle[...]
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Écrit par
- Sylvie LUNEAU : diplômée des langues orientales, licenciée d'histoire, traductrice de russe
Classification
Autres références
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- 431 mots
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