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LESKOV NICOLAS SEMIONOVITCH (1831-1895)

À contre-courant

La parution de son médiocre roman Sans issue (Nekuda, 1864), qui dénonce l'utopie nihiliste, déclenche de nouveau les attaques des radicaux contre Leskov. Il tente en vain de s'expliquer : il ne faut pas construire dans l'abstrait une société idéale, mais d'abord s'informer des besoins réels du peuple. Il n'est pas écouté. Il est rejeté du mouvement de réformes auquel il espérait collaborer, et même exclu du milieu littéraire. Alors, il fait un choix : il va parler de la Russie « des coins perdus » où vit ce peuple dont on parle tellement sans le connaître, révéler son vrai visage. Et comme il ne peut vivre de sa plume, il continue à faire du journalisme. Il sera toute sa vie à contre-courant.

Après Lady Macbeth au village (Ledi Makbet Mcenskogo uezda, 1865), peinture tragique de l'ennui et des passions de la province, il publie Gens d'Église (Soborjane, 1872), sa première et plus importante étude d'un milieu ignoré du grand public et décrié : le clergé des campagnes. La figure principale en est l'imposant Tubérosov, prêtre irréductible, qui lutte pour la justice et n'accepte aucune compromission avec le monde. Parmi les récits consacrés au clergé, où le thème de la tolérance est souvent évoqué : Au bout du monde (Na kraju sveta), Le Pope non baptisé (Nekreščenyi pop), Les Originaux de Petchersk (Pečerskie antiki), etc. Les Menus Faits de la vie des évêques (Meloči arkhierejskoj žizni) présentaient ceux-ci sous un jour si peu conformiste que le Saint-Synode y vit un ouvrage anticlérical. Ainsi, par sa sincérité, l'écrivain se met à dos tous les partis.

Leskov est avant tout un conteur. Il se souvient des récits écoutés dans son enfance où réalité, légende et fiction se mêlaient, et la forme dans laquelle il se montre le plus à son aise est l'« histoire », contée à un petit nombre d'auditeurs par un narrateur qui lui donne son ton et son style, nous introduisant d'emblée dans son milieu. L'ambition de Leskov était non pas d'employer un langage littéraire, mais de transmettre le langage vivant de tout un peuple, et il y est parvenu. Chacun de ses personnages parle sa propre langue, ce qui donne à son œuvre de multiples facettes. L'Ange scellé (Zapečatlennyj angel, 1873) dépeint le culte mystique de l'image parmi les vieux-croyants. Le Vagabond ensorcelé (Očarovannyj strannik, 1873) les aventures d'un personnage « mené » par le destin à travers la Russie lointaine des petites gens, des nomades. Une famille déchue (Zakhudalyj rod, 1875), écrit sous la forme d'une chronique, développe les thèmes de l'esprit de simplicité, de la tolérance, et aussi celui de l'abolition du servage.

Ensuite, Leskov – rejoignant la préoccupation constante des écrivains russes : peindre des hommes positivement bons – partit à la recherche des « justes » sans lesquels « la ville ne peut être sauvée ». Son cycle des « justes », Pravedniki, commence avec la parution d'Odnodum et Šeramur (1879). Puis, viennent Le Pygmée (Pigmej), Le Monastère des Cadets (Kadeckij monastyr'), La Sentinelle (Čelovek na časakh), Golovane l'Immortel (Nesmertel'nyj Golovan), Les Ingénieurs désintéressés (Inženery-bessrebreniki), Figure (Figura), etc. Un des traits de l'écrivain est de découvrir la grandeur dans la petitesse : ses « justes » sont souvent des êtres modestes, dont l'héroïsme réside dans le détachement mais aussi dans un courage indomptable. Il y a là une pensée subversive qui mine la volonté de puissance.

Sous l'influence de Tolstoï, Leskov remonte aux sources du christianisme et écrit une série de récits dans le style des vies de saints : La Montagne (Gora), Le Jongleur Pamphalon (Skomorokh Pamfalon), La Belle Asa (Prekrasnaja Aza), Le Lion du vieillard Guérassime[...]

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Écrit par

  • : diplômée des langues orientales, licenciée d'histoire, traductrice de russe

Classification

Autres références

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    • Écrit par
    • 431 mots

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