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CHARLET NICOLAS TOUSSAINT (1792-1845)

Étroitement mêlé à celui de la lithographie romantique, le nom de Charlet est aussi, comme ceux de Bellangé, Raffet ou Vernet, associé au mythe de Napoléon, dont la gloire rejaillit sur lui. Très populaire auprès de ses contemporains, il s'est spécialisé dans la scène de genre à sujet militaire ou enfantin. Gros admire son Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, et Delacroix le place après Molière et La Fontaine pour la peinture des caractères ; mais Baudelaire, qui le compare à Béranger, ne l'aime pas du tout : « C'est une grande réputation, une réputation essentiellement française, une des gloires de la France. Il a réjoui, amusé, attendri aussi, dit-on, toute une génération d'hommes vivant encore [...]. Cependant, il faut avoir le courage de dire que Charlet n'appartient pas à la classe des hommes éternels et des génies cosmopolites ». Il persifle ensuite « le tourlourou et le grenadier » de Charlet le démagogue, et ses « gamins », « ces chers petits anges qui feront de si jolis soldats, qui aiment tant les vieux militaires, et qui jouent à la guerre avec des sabres de bois ». Finalement, il prophétise l'oubli de ce « fabricant de niaiseries nationales, commerçant patenté de proverbes politiques, idole qui n'a pas, en somme, la vie plus dure que tout autre idole » (Quelques Caricaturistes français). Baudelaire a vu juste : Charlet a chu dans l'oubli... d'où il mérite d'être exhumé.

Il connut pourtant un regain de faveur à la fin du xixe siècle : une exposition lui est consacrée en 1893, et Willette en compose l'affiche ; en 1897, une affiche de Hugo d'Alesi pour l'exposition du centenaire de la lithographie montre une Parisienne élégante chinant sur les quais ; elle admire une affiche de Charlet, qui est mise en parallèle avec une œuvre de Chéret, alors tenu pour le maître de l'affiche en couleurs. Charlet, il est vrai, peut être considéré comme l'un des premiers et des plus féconds propagateurs de l'art lithographique en France.

Né pendant la Révolution, fils d'un soldat de la République mort au combat, Charlet entre dans l'atelier de Gros, peintre officiel de l'Empereur, en 1815, l'année de la chute de l'Empire, et il y restera jusqu'en 1820, de même que Bonington, Bellangé et Lami. Il manie très tôt le nouvel art de la lithographie (à laquelle il n'a pas, malgré la légende, initié Géricault), et, dès 1817, il donne chez Motte une série de Costumes militaires français, prélude à d'autres séries d'uniformes. En 1820, il accompagne à Londres son ami Géricault. À son retour, il devient l'ami des frères Gihaut, éditeurs lithographes qui publient pour les étrennes des albums à la mode, auxquels collabore Charlet (Croquis lithographiques, 1822-1824, par exemple) de 1822 à 1837. Son art, centré sur les types de l'enfant (Alphabet moral et philosophique à l'usage des petits enfants, Gihaut, 1835) et du soldat (Le Grenadier de Waterloo), montre la vie quotidienne des classes moyennes ; c'est celui du croquis saisi sur le vif, agrémenté d'une légende spirituelle, d'un mot qui transcrit le langage enfantin ou le français oral et populaire. Ce mot, il l'a peut-être noté dans une des guinguettes qu'il aime à fréquenter en compagnie de son imprimeur Villain. Ses opinions bonapartistes se manifestent sous la Restauration et la monarchie de Juillet dans une œuvre lithographique répétitive et abondante (1 200 gravures), ce qui n'empêche pas Louis-Philippe de faire appel à lui pour certaines peintures du musée de l'Histoire de France à Versailles.

En 1838, il devient professeur à l'École polytechnique, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort. Dans cette dernière période, sa production lithographique diminue ; la popularité de Gavarni[...]

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Écrit par

  • : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense

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Autres références

  • RAFFET DENIS AUGUSTE MARIE (1804-1860)

    • Écrit par
    • 474 mots

    « Raffet ! le plus grand nom de l'estampe originale du siècle. Ce n'est pas encore assez dire : l'un des plus grands noms de l'art français. » Ce jugement hyperbolique et catégorique d'un amateur aussi averti qu'Henri Béraldi, qui a dressé le catalogue de l'œuvre gravé, doit faire réfléchir....