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UDALL NICOLAS (1505-1556)

Le nom d'Udall, bien que ce maître d'école ait traduit du Térence (1533), préparé un divertissement en vers latins et anglais pour le couronnement d'Anne Boleyn (1533) et adapté les Apophtegmes d'Érasme (1466-1536) en 1542, n'est passé à la postérité que grâce à sa comédieRalph Roister Doister, la première comédie « classique » en anglais, jouée en 1533, sans doute par les élèves de Westminster School, dont il était le directeur. Udall, ancien étudiant de Corpus Christi (Oxford), fit une carrière de pédagogue. Il était maître à manier les verges à Eton, où il eut quelques ennuis. Il en fut chassé, occupa divers postes dans l'Église, et finit directeur de Westminster School, où il écrivit ce petit chef-d'œuvre savoureux, qui présidait à la naissance de la comédie anglaise en plein âge Tudor.

L'expression comédie classique en anglais n'est pas une vaine formule. Ralph Roister Doister est, en effet, de construction classique, comme chez Plaute ou Térence. Les personnages recoupent les emplois traditionnels de la comédie latine, et les péripéties de l'intrigue obéissent aux mêmes règles, quiproquos, mystifications, bagarres, rendez-vous retardés ou manqués. Mais cela est coulé dans un moule typiquement anglais : climat de l'action, noms des personnages, robustesse de la langue, commérages, vives couleurs d'un réalisme qui se rend crédible par on ne sait quelles invraisemblances. On se croit vraiment dans un village anglais, où dame Christian Constance, veuve de solide vertu, entourée de la bande naïve et futée de ses servantes, subit à contre-cœur les assauts désordonnés du fanfaron Ralph Roister Doister (le miles gloriosus devenu le braggart), secondé par son fripon de valet, Matthew Merrygreek, moitié esclave de la comédie latine, moitié Vice des moralités, en tout cas prototype du parasite comique, voleur-menteur-intrigant, dont la postérité est longue et les avatars divers dans la comédie anglaise. Mais dame Constance ne cède pas : elle attend avec sérénité le retour de Gawyn Goodluck, son fiancé, honnête marchand qui voyageait pour ses affaires pendant ce tohu-bohu. Tout s'arrange à la fin : on allume les flambeaux pour un plantureux banquet, où même le fanfaron et son parasite sont invités. Joyeuse comédie au dénouement édifiant, et à l'entrain de si bon aloi que les étudiants britanniques de nos jours ne cessent de la monter.

À Ralph Roister Doister il faut associer Gammer Gurton's Needle, jouée à peu près à la même époque, œuvre de « Mr. S. Master of Art » que l'on a identifié comme étant William Stevenson (1521-1575), fellow de Christ's College (Cambridge), où la comédie fut jouée en 1553 (et publiée en 1575). C'est une farce de village, où l'aiguille perdue de la grand-mère Gurton est découverte dans la culotte de Hodge, son valet à tout faire. Là aussi c'est le vrai climat anglais qu'on retrouve : personnages savoureux, incidents cocasses, langue robuste et réaliste, décor paysan, crêpages de chignon, curé de village que l'on bastonne à cœur joie, et dénouement heureux après des cascades d'éclats de rire.

Imparfaites et truculentes, ces deux comédies populaires ne souffrent guère de ce que des critiques difficiles appellent parfois leur vulgarité ; la drôlerie des personnages et des incidents emporte tout, lorsque la mise en scène n'est pas sophistiquée et va bon train.

— Henri FLUCHÈRE

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Écrit par

  • : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence

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  • ÉLISABÉTHAIN THÉÂTRE

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    • 10 600 mots
    • 2 médias
    ...joue encore. C'est la tragédie de la solitude de l'homme devant la mort : seules ses bonnes œuvres peuvent le sauver. Dans Respublica (1553), de Nicolas Udall (1505-1556), déjà se font jour des thèmes politiques. De ces pièces se dégage une vision morale de la vie, que l'on retrouve sous les formes...