GOGOL NICOLAS VASSILIÉVITCH (1809-1852)
Le drame des dernières années
L'évolution intérieure de l'écrivain se précipite après la mort à Rome, en mai 1839, de son jeune ami Vielgorski. Gogol fait alors un retour sur lui-même. Il passe au crible sa propre activité créatrice, spontanée, irrésistible, et il en conclut qu'il n'est pas bon : il n'a su peindre que la laideur, le mal, et on ne peut atteindre la beauté, le bien que si on les porte en soi. Il lui faut devenir meilleur pour être digne d'achever l'œuvre commencée. L'œuvre elle-même doit se transformer. Dès 1841, sous l'influence de Dante, il ne conçoit plus la partie des Âmes mortes déjà écrite que comme le premier volet d'un triptyque, l'enfer, que doivent suivre le purgatoire et enfin le paradis où il montrera la régénération de l'homme russe. L'anecdote réaliste, comique, a pris les proportions d'un poème symbolique, de portée religieuse. Gogol passe le reste de sa vie à essayer d'écrire ce livre. La vie intérieure, la tendance à la perfection se développent en lui avec le sentiment d'avoir une mission à remplir, une vérité à proclamer et c'est ici que naît le drame. Car l'ascète, le prédicateur étouffent en lui l'artiste qui tente cependant de survivre. Il est déchiré entre deux absolus contradictoires.
Gogol se détache de toute préoccupation terrestre. Il devient un errant, parcourant l'Europe avec un maigre bagage. Dès qu'il s'arrête quelque part, il reprend son manuscrit, déjà brûlé deux fois. Le succès des Âmes mortes, qui n'est encore, à ses yeux, comme celui du Revizor, qu'un demi-succès, ne peut le satisfaire. Sa correspondance prend alors une extrême importance. C'est un moyen pour lui d'exposer ses préoccupations morales et religieuses, auxquelles jusqu'à présent le public est demeuré sourd. Ses lettres à ses amis deviennent de véritables lettres de direction spirituelle. En 1846, il les publie sous le titre Passages choisis de ma correspondance. Il a mis dans ce livre un immense espoir, toujours le même, sous une autre forme : celui de régénérer la société. Mais c'est un tollé. Car il est clair, cette fois, que Gogol ne s'en prend pas aux institutions : il affirme que l'ordre établi peut subsister si tous deviennent véritablement chrétiens. On crie à la trahison, on va jusqu'à répandre le bruit qu'il a perdu l'esprit.
Malade, de plus en plus seul, il s'engage totalement dans la voie du renoncement, encouragé par son directeur de conscience, le père Matthieu. Dans la nuit du 12 février 1852, il jette au feu le manuscrit du second tome des Âmes mortes, à peu près achevé. Il refuse tout soin et toute nourriture les jours suivants et meurt une semaine plus tard, à Moscou.
L'importance de Gogol dans la littérature russe est immense. La partie « réaliste » de son œuvre (description de la vie réelle, thèmes humains et sociaux) a donné naissance au théâtre, à la nouvelle et au roman russes du xixe siècle. Et c'est un des plus grands poètes en prose qui aient jamais existé.
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Écrit par
- Sylvie LUNEAU : diplômée des langues orientales, licenciée d'histoire, traductrice de russe
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