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WERTH NICOLAS (1950- )

L’historien du XXe siècle soviétique

Entré au CNRS en 1989, Nicolas Werth partage depuis lors son activité entre investigations très pointues qu’il mène à l’Institut d’histoire du temps présent et écrits pédagogiques à l’usage du plus grand nombre, ce double engagement, rare, aux deux extrêmes du savoir caractérisant, entre autres, l’œuvre de l’historien.

Défrichant les masses documentaires d’un État qu’il a qualifié, par l’ampleur de sa production administrative, de « civilisation du rapport », Nicolas Werth s’est engagé dans l’analyse des relations entre État et société sous Staline. Sa contribution, très substantielle, au Livre noir du communisme (1997) présente une première étape de ses recherches qui, retraçant la trame des grandes tragédies des années 1930, depuis la dékoulakisation jusqu’à la Grande Terreur, situe cette décennie de violences dans une histoire plus longue, marquée, en particulier, par l’empreinte de la brutalisation extrême des rapports sociaux durant la guerre civile. À partir de cet état des lieux, Nicolas Werth a entrepris différentes analyses plus précises des séquences de la tragédie infligée par l’État soviétique à son peuple. Il a ainsi fourni d’importantes contributions à l’histoire du Goulag, participant en particulier à la publication de la monumentale Histoire du Goulag stalinien (parue en russe en 7 volumes, 2014). La Terreur et le désarroi ou L’Ivrogne et la marchande de fleurs rassemblent certains des grands éclairages fournis par ses investigations sur l’ère stalinienne. Son analyse très sûre des objectifs et des rouages du système le conduit à prendre part à des travaux comparatistes, notamment entre nazisme et stalinisme, qui lui permettent de souligner la spécificité de l’expérience soviétique. Plus récemment, Nicolas Werth s’est concentré sur l’histoire dévastatrice de la famine de 1932-1933, objet de points de vue discordants, face auxquels il tente d’apporter, documents à l’appui, une analyse renouvelée et dépassionnée à travers différents articles.

Aux côtés de ses contributions savantes, l’historien n’a pas négligé un travail continu de pédagogue. Son Histoire de l’Union soviétique, remarquable synthèse historiographique élaborée à la veille de l’effondrement de l’URSS (et régulièrement mise à jour), s’est immédiatement imposée comme ouvrage de référence en France mais aussi en Russie, où le livre est traduit dès 1992, devenant le manuel des jeunes générations d’historiens. Depuis lors, entre articles dans les ouvrages encyclopédiques, les revues telle L’Histoire, les manuels scolaires et jusqu’aux CD-Roms sur le Goulag, Nicolas Werth n’a cessé de vouloir faire connaître à un public non spécialiste les différents aspects de la réalité soviétique, sans pour autant en sacrifier la complexité. Aussi ses écrits inspirent-ils tant les esprits libres et curieux, les étudiants en histoire, les générations qui ont appris à lire les archives à travers ses travaux, que ses pairs qui lui reconnaissent une place décisive dans l’historiographie contemporaine de l’URSS.

— Catherine GOUSSEFF

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Écrit par

  • : chercheur au C.N.R.S., directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (C.N.R.S. - École des hautes études en sciences sociales)

Classification

Média

Nicolas Werth - crédits : H. Perrot/ Festival international du film d'histoire

Nicolas Werth