BOHR NIELS (1885-1962)
Théorie de la constitution des atomes
La découverte des électrons, particules environ 2 000 fois plus légères que l'atome d'hydrogène et portant toutes la même quantité de charge électrique négative, avait conduit les physiciens, dès le début de ce siècle, à concevoir l'atome comme un système complexe, formé d'une distribution de masse et de charge positive et d'un certain nombre d'électrons liés à cette masse par l'attraction électrostatique. En 1911, Rutherford avait conclu, d'expériences sur la diffusion des particules alpha, que la charge positive des atomes diffusants devait être concentrée dans une région beaucoup plus petite que le volume de l'atome ; les électrons devaient par conséquent décrire autour de ce noyau positif et massif des orbites képlériennes. Dès 1912, Bohr aperçut toute la portée de ce modèle nucléaire d'atome : il permettait de séparer nettement les propriétés radioactives de l'atome, dues au noyau, et ses propriétés chimiques, dues aux électrons périphériques, et aussi de distinguer les atomes des molécules polyatomiques (ces dernières comportant plusieurs noyaux). Ainsi, Bohr suggérait l'identification du numéro atomique, indiquant la place d'un élément dans le tableau périodique, avec le nombre des électrons périphériques, plus fondamental que la masse atomique des chimistes ; il en tirait même, sans les publier, des conséquences bientôt confirmées : l'existence d'isotopes d'un même élément, ayant le même nombre d'électrons, mais des masses différentes, ainsi que l'interprétation des lois de déplacement des éléments radioactifs dans le tableau périodique (l'émission alpha les faisant reculer de deux places, l'émission bêta les faisant avancer d'une place).
Mais l'idée décisive de Bohr, contenue dans ses postulats quantiques (1913), fut de combiner au modèle de Rutherford la notion du quantum d'action, originairement introduite par Planck (1900) dans la thermodynamique du rayonnement électromagnétique. Le premier postulat exprimait la stabilité des atomes vis-à-vis de l'émission de rayonnement, stabilité incompatible avec l'électromagnétisme classique : l'atome est susceptible d'une série d'états stationnaires, dans lesquels il ne rayonne pas, et dont l'énergie doit être déterminée par une condition supplémentaire faisant intervenir le quantum d'action h ; cette constante universelle permettait ainsi, avec la charge e et la masse me de l'électron, de fixer les dimensions absolues des édifices atomiques et l'ordre de grandeur des énergies de liaison des électrons aux noyaux. D'après le second postulat, l'atome peut effectuer une transition d'un état stationnaire d'énergie En à un autre état stationnaire d'énergie Em en émettant ou absorbant un rayonnement monochromatique dont la fréquence νnm est donnée par : hνnm=En —Em (relation de Planck). L'application de ces postulats à l'atome d'hydrogène (composé d'un noyau et d'un seul électron) prédit pour le spectre de cet élément plusieurs séries de raies données par la formule : νnm=R(n—2—m—2), en accord avec l'expérience. Le calcul de la valeur absolue de la constante expérimentale de Rydberg R à partir des constantes fondamentales h, e et me marqua le premier triomphe de la théorie de Bohr.
L'application de la théorie aux atomes plus complexes soulevait deux problèmes d'une grande difficulté : la formulation générale des conditions quantiques fixant les énergies des états stationnaires, et le calcul des probabilités de transition entre états stationnaires, donnant les intensités des raies de spectres d'émission et d'absorption. La difficulté provenait dans les deux cas de la nécessité d'invoquer à[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Léon ROSENFELD : professeur à l'Institut nordique de physique atomique théorique, Copenhague
Classification
Média
Autres références
-
ASTRONOMIE
- Écrit par James LEQUEUX
- 11 339 mots
- 20 médias
...raies spectrales. Ce qui manquait, c'était une théorie des spectres permettant de s'y retrouver dans un tel imbroglio de raies. Le modèle atomique de Niels Bohr (1885-1962), qui date de 1913, constituera un grand pas en avant dans cette direction, et, dès lors, l'analyse des spectres astronomiques suivra... -
ATOME
- Écrit par José LEITE LOPES
- 9 140 mots
- 13 médias
En 1913, Niels Bohr a fait accomplir un pas très important à la physique atomique moderne. Il a montré que la conception quantique introduite par Planck dans l'étude du rayonnement thermique, et par Einstein pour décrire la structure de la lumière, était fondamentale pour tous les phénomènes atomiques.... -
BOHR ATOME DE
- Écrit par Bernard PIRE
- 369 mots
- 1 média
Deux ans après avoir soutenu sa thèse sur la théorie électronique des métaux, le physicien danois Niels Bohr (1885-1962) écrit en 1913 trois articles fondamentaux qui révolutionnent la compréhension de la structure de la matière. Le premier, paru le 5 avril dans le Philosophical Magazine...
-
ATOMIQUE PHYSIQUE
- Écrit par Philippe BOUYER et Georges LÉVI
- 6 651 mots
- 1 média
En 1913, Bohr développa une théorie très ingénieuse des atomes qui associait la mécanique classique et les idées de quantification. - Afficher les 21 références